Vera (Catalina Moga) au travail: pas une fille, pas un fusil.
Le premier film d’Andrei Tanase transforme une chasse au fauve incongrue en portrait de femme vigoureux et nuancé.
Qui aime vraiment le cinéma ne se lassera jamais d’entrer dans un film sans rien en savoir, à l’aventure d’un territoire à explorer. C’est ce qu’offre avec une belle assurance ce premier long-métrage, qui semble lui-même découvrir durant son déroulement à la fois ce qui anime ses personnages et les échos cinématographiques qui se lèvent sous leurs pas.
«Une fille et un fusil», cette définition viriliste du cinéma ironiquement lancée jadis par Jean-Luc Godard citant Griffith, semble ouvrir le film. Mais le fusil n’est pas ce qu’on croit, et la jeune femme qui sera au centre du récit n’est certainement pas une «fille».
Vétérinaire chargée notamment des grands fauves dans le zoo de la ville roumaine où se passe l’histoire, Vera ne cessera au contraire de déployer la richesse de son personnage, grâce aussi à l’interprétation de Catalina Moga, révélée naguère par le magnifique Sieranevada de Cristi Puiu.
Attention aux lieux et au travail, aux vivants humains et non-humains, ressorts du drame sentimental, du film de gangsters, du récit d’aventure, de la comédie sentimentale, Tigresse ne cesse de se faufiler entre les genres et les codes, pour rester du côté d’une énergie vive.
Et si une grille mal fermée enclenche la narration, c’est aussi une porte ouverte sur les émotions, les blocages intérieurs, les manières plus ou moins irréconciliables d’habiter le même monde avec ses contemporains.

Chasse au tigre dans la campagne roumaine. | Condor Distribution
Ample mélange des genres
Sur les traces de la tigresse évadée qui rôde dans la ville et dans la campagne environnante apparaissent des figures issues de multiples origines romanesques, qui trouvent sans cesse moyen d’apporter avec eux leurs bagages d’imaginaires variés, voire contradictoires, sans se laisser ensevelir par eux. (…)