Entre la prof (Selome Emnetu) et l’élève (Ella Øverbye), un entrelac de relations réelles et imaginées, vécues et jouées, énoncées ou travesties.
Avant «Amour» et «Désir», ce premier volet de «La Trilogie d’Oslo», signée Dag Johan Haugerud, inaugure une exploration attentive des émotions et des non-dits, à la fois lumineuse et mystérieuse.
En salles ce mercredi 2 juillet, Rêves est un film. C’est également un élément d’un ensemble de trois films, La Trilogie d’Oslo, dont les deux autres volets, Amour et Désir, sortent les deux mercredis suivants. Chaque film peut évidemment être vu pour lui-même, les récits sont autonomes. Ni les personnages ni les acteurs ne sont les mêmes, ni les milieux sociaux. Même si, comme son nom l’indique, tout se passe dans la capitale norvégienne et à son immédiate proximité.
Mais, un peu comme Trois Couleurs de Kieślowski (1993-1994) et à la différence de l’autre Trilogie d’Oslo, celle de Joachim Trier (résultat d’une accumulation de titres conçus séparément), les trois films constituent un ensemble concerté, qui vise à faire une proposition d’ensemble.
Rêves est un film, même si on n’en est pas tout de suite certain. Les premières séquences présentent une lycéenne, Johanne, qui tombe amoureuse de sa prof de français et tient par écrit la chronique de ses émois, tout en hésitant à en faire part à sa mère et à sa grand-mère.
Les cadrages, la voix off, le simplisme du dispositif narratif renvoient d’abord davantage à une sitcom socio-psy sur l’adolescence qu’à un projet de cinéma. Mais peu à peu, par petites touches, décalages et reprises, sans grand geste stylistique, mais avec des questionnements qui glissent ou bifurquent autour de la situation de départ, il apparaîtra que Rêves est bien plus riche et plus fin que ce qui semblait de prime abord. Et que les schémas des sitcoms de la télé, comme ceux des romans d’apprentissage, font partie des enjeux, mais ne constituent pas un formatage.

La mère (Ane Dahl Torp) et la fille (Ella Øverbye), si proches, si différentes. | Pyramide Distribution
Des simplifications radicales du contexte –ne serait-ce que l’élimination totale des hommes– et l’inscription dans un ensemble à l’échelle de la grande ville, avec cette scansion de plans d’ensemble de complexes immobiliers, d’échangeurs d’autoroute, de chantiers de construction qui, chaque fois différemment, rythmeront aussi les deux autres films, permettent au cinéaste norvégien Dag Johan Haugerud de déployer une bien plus vaste ambition.
S’il raconte en effet une histoire d’amour adolescente, Rêves est aussi et surtout un jeu attentif et sensuel autour du fait même de raconter et de se raconter par des moyens différents, verbaux, écrits, gestuels, ce qu’on éprouve, dans l’instant et dans la durée, dans la mémoire. Mais il s’agit aussi d’interroger les manières de raconter avec des images et des sons, qui sont le film lui-même.
«Amour» et «Désir» étendent les connexions
Signe commun aux trois films, chacun comporte un spectacle public: une chorégraphie sur un escalier au pied des immeubles dans Rêves, un concert sur le toit de l’hôtel de ville dans Amour, du chant choral dans Désir.
Un peu trop appuyée, cette mise en écho est moins intéressante que la géographie urbaine et sociale que déploie chaque film et la continuité qu’instaure la trilogie dans son ensemble, grâce aux trajets (tram, vélo, marche, ferry) des protagonistes et aux plans d’ensemble sur la ville.
Cette ville n’est pas tout Oslo, ville dont un quart de la population est composée d’immigrés, encore moins toute la Norvège. C’est un immense réseau de personnes, de lieux et de comportements sous le signe d’une classe moyenne aisée, libérale, éduquée, qui se perçoit comme disponible à la diversité des identités et des modes de vie.
Et c’est un milieu confronté, de fait, à ce que masque ou interroge cette apparente souplesse, cette bienveillance de principe aux différences, notamment les pratiques sexuelles et les relations intimes.
Tout le monde est beau et gentil dans Amour, la médecin urologue qui passe ses journées à annoncer à des hommes qu’ils ont un cancer de la prostate et qui refuse une vie de couple, comme son collègue infirmier gay qui drague sur Tinder à bord du ferry qui relie la ville à la datcha idyllique où il crèche de l’autre côté du fjord.

Dans le deuxième volet, Amour, l’infirmier (Tayo Cittadella Jacobsen), la médecin (Andrea Bræin Hovig) et l’amie (Marte Engebrigtsen), uni·es et séparé·es par différents récits, différentes images ressenties et partagées. | Pyramide Distribution
Elle comme lui feront des rencontres selon des cheminements qui les prendront au dépourvu des représentations qu’il et elle se faisaient de soi, mais aussi de manières à déjouer les attentes des spectateurs. (…)