Des vacances pour Soundouss et Jaâfar (Oumaïma Barid et Youness Beyej)? Oui, mais semées d’embûches et de surprises
Le film du jeune réalisateur marocain est un conte sensuel et gracieux en même temps qu’un chant de liberté.
Le jeune homme et la jeune femme ont le code d’entrée de la belle villa. Ils s’installent dans ce lieu chic, en attendent celui qui semble les y avoir conviés. C’est l’été, au bord de la mer, dans la station balnéaire chic de la côte méditerranéenne du Maroc qui donne son nom au film.
Elle, Soundouss, appelle son amoureuse – enfin surtout celle dont elle est amoureuse, la réciproque n’a pas l’air sûre. Lui, Jaâfar, trouve à proximité la tombe de son père dans un cimetière qui domine les flots, il prie en sa mémoire. Dans la pinède, des candidats à l’exil de l’autre côté de la mer campent en attendant la possibilité de passer. Soundouss et Jaâfar vont se baigner.

Ainsi, par petites touches lumineuses, le deuxième long métrage d’Abdellah Taïa (après L’Armée du salut réalisé il y a douze ans) met en place ce qui pourrait ressembler à un film de soleil et de vacances. Il en est un, en effet, mais où les ombres sont profondes et multiples.
L’absence du professeur américain qui a invité Jaâfar, qui n’était pas exactement l’assistant universitaire l’irruption du propriétaire marocain des lieux, les trajets pour aller à la ville faire les courses, les rencontres successives avec plusieurs personnes de passage, la préparation d’un repas, la nécessité de trouver de l’argent, sont l’occasion de scènes toujours simples, toujours à juste distance, toujours d’une élégante composition, alors que s’y jouent des formes multiples de violence, de domination, ou au contraire d’humanité solidaire.
Entre conte et chronique, mais un sens très sûr d’une mise en scène attentive aux êtres – humains et non-humains – comme aux atmosphères, aux échos dans les voix, aux implicites multiples, le jeune cinéaste marocain déploie une très belle proposition cinématographique.

Audacieuse dans sa manière de filmer des protagonistes homesexuel(le)s dans un pays qui stigmatise, persécute emprisonne toute entorse à la sacrosainte norme, la réalisation de Cabo Negro est bien un plaidoyer pour la liberté et la tolérance.
Mais qui justement ne ressemble nullement à un plaidoyer, esquivant avec légèreté toutes les pesanteurs qui accompagnent si souvent les films de ce genre. Cinéaste gay, il le revendique, également écrivain, Abdellah Taïa est authentiquement cinéaste, dans sa manière de faire résonner les corps, les lumières, les silences.
Grâce aussi à la présence singulière de ses deux interprètes, habités d’une grâce fragile d’où émane une singulière émotion, le film suscite de multiples échos, qui se prolongent bien après la fin de la projection.
Cabo Negro
d’Abdellah Taïa, avec Youness Beyei, Oumaïna Barid, Julian Compan
Durée: 1h16
Sortie le 3 décembre 2025
Une réflexion au sujet de « Également à voir au cinéma: «Cabo Negro» d’Abdellah Taïa »