Walter Huston et Barbara Stanwyck dans cette grande merveille qu’est Les Furies, d’Anthony Mann.
Toujours aussi riche en propositions, l’édition vidéo ouvre de multiples voies dans l’histoire longue du cinéma, comme dans son actualité.
Redisons brièvement ici que si elle passe pour obsolète, l’édition DVD (et Blu-ray) reste très dynamique, par l’ensemble des propositions qu’elle rend accessibles, avec des copies de bonne qualité et des accompagnements riches en enseignements et en plaisirs.
Même si minoritaire par rapport au streaming, la vidéo physique continue de vendre des millions de disques, au rôle important notamment dans les médiathèques publiques et universitaires, mais aussi chez de nombreux cinéphiles. Bref, encore et toujours, une idée de cadeaux de Noël. À faire ou à se faire.
«Les Furies», d’Anthony Mann (Sidonis Calysta)
Le slogan sur la jaquette annonce: «Le chef-d’œuvre absolu!» Sans bien savoir ce que cela peut signifier, on peut toutefois dire:
1. Que Les Furies (1950) est un film admirable de puissance, d’énergie, de capacité à jouer sur plusieurs tableaux avec les codes de différents genres: western, film noir, drame psychologique.
2. Que, sans que ce soit une découverte, la place d’Anthony Mann parmi les plus grands cinéastes de l’âge d’or d’Hollywood reste insuffisamment établie et qu’elle est réaffirmée avec éclat par ce film qui inaugure ce qui reste comme sa décennie la plus féconde, les années 1950.
3. Que Les Furies réussit à mettre en valeur les ressorts les plus vigoureux du western et à mobiliser des motivations et des rapports humains bien plus complexes, qu’il s’agisse des rapports entre hommes et femmes, entre Blancs et non-Blancs, entre générations, entre personnages des campagnes et personnages urbains.
4. Qu’au scénario flamboyant de Charles Schnee, qui a aussi écrit certains des plus beaux films de Howard Hawks, Nicholas Ray, William Wellman et Vincente Minnelli, et à la mise en scène fondant ensemble le sens des grands espaces et le baroque vénéneux des intérieurs du ranch qui donne son titre au film, s’ajoute un miracle.
Ce miracle se nomme Barbara Stanwyck, femme, actrice, héroïne, qui propulse Les Furies moins du côté d’un absolu que dans une région étrange, où ne se trouvent que des œuvres hors norme et qui peuvent être redécouvertes à chaque nouvelle vision. Avec, en outre, une très belle restauration des images.
Coffret Kira Mouratova (Potemkine)
Elle fut l’une des plus grandes cinéastes de la deuxième moitié du XXe siècle. Mais elle était femme, soviétique, ukrainienne: cela ne s’est guère su.
La belle édition de cinq des plus grands films de Kira Mouratova (elle en a réalisé vingt), du merveilleux Brèves rencontres (1967), intimiste, précis, délicat, à l’immense Syndrome asthénique (1989), portrait implacable de l’effondrement vital du système soviétique à l’échelle des individus, avant la disparition d’un cadre collectif depuis longtemps obsolète, offre l’occasion de la découverte de cette autrice de premier plan.
Elle est accompagnée d’un documentaire consacré à la cinéaste et d’une analyse de son œuvre par la meilleure spécialiste actuelle du sujet, Eugénie Zvonkine, autrice du mémorable livre Kira Mouratova: un cinéma de la dissonance, paru aux éditions L’Âge d’homme en 2012.
Coffret Claude Chabrol – Première Vague (Tamasa)
L’intitulé est étrange puisqu’il s’agit, pour l’un des initiateurs de la Nouvelle Vague, de la deuxième partie significative de sa longue et prolifique carrière, après l’élan des débuts (Le Beau Serge, Les Cousins, À double tour, Les Bonnes Femmes, L’Œil du malin, Landru) et un premier creux de la vague. Peu importe, tournés entre 1968 et 1973, les sept films de Claude Chabrol réunis dans ce coffret constituent un ensemble aussi passionnant que divers.
Ce sont tous des films produits par le singulier aventurier du cinéma que fut André Génovès (des trois qui manquent, on ne regrettera que Nada). Parmi ceux qui se trouvent dans le coffret, deux sont des œuvres mineures qui valent plutôt comme documents d’époque, Les Biches (1968) et Les Noces rouges (1973), et l’un est une rareté vénéneuse qui a du moins le mérite de la curiosité, La Rupture (1970).
Mais il y a le binôme avec Jean Yanne, dont le numéro est mémorable dans le trouble Que la bête meure (1969), quand son face à face avec Stéphane Audran dans Le Boucher (1970) reste inoubliable. Et puis, surtout, il y a deux œuvres hors norme. La Femme infidèle (1969) est un vertige en déséquilibre sur un fil entre horreur, quotidien et burlesque, porté par la présence hallucinante de Michel Bouquet.
Encore un cran au-dessus, Juste avant la nuit (1971), ovni psychosociétal d’une radicale opacité, est une somnambulique immersion dans les ressorts mentaux et pulsionnels d’un homme que rien de particulier ne désignait à l’attention de ses congénères –Michel Bouquet à nouveau, exceptionnel.
Outre un livret avec des textes et documents, un huitième Blu-ray accueille plusieurs vidéos, dont l’excellent Claude Chabrol, l’entomologiste d’André Labarthe pour la série Cinéma, de notre temps. L’ensemble rend justice à Claude Chabrol, cet authentique farceur et bon vivant qui était aussi, et du même élan, un penseur sophistiqué et un artiste d’une rare exigence.
Sept films de Paulo Rocha (La Traverse)
En cinq DVD, les éditions La Traverse mettent à disposition la plupart des titres les plus marquants, ou du moins les moins méconnus, d’une grande figure trop discrète du Nouveau Cinéma portugais surgi, synchrone avec les Nouvelles Vagues à travers le monde, au début des années 1960.
Paulo Rocha en fut, en 1963, le véritable initiateur, avec Les Vertes Années, portrait à fleur de peau d’amours adolescentes, film imprégné d’attention aux situations sociales et d’une élégance de réalisation qui restera la marque de l’auteur de L’Île des amours (1982) et des Montagnes de la Lune (1986).
Jusqu’au merveilleux Le Fleuve d’or (1997), conte réaliste et fantasmagorique, où il retrouve la jeune actrice de son premier film, Isabel Ruth, pour ce huitième long-métrage sensuel et mystérieux, lumineux et enchanté.
L’édition comporte également une évocation du cinéaste par deux de ses jeunes confrères d’aujourd’hui, Joào Pedro Rodrigues et Joào Rui Guerra da Mata, mettant en scène la place de cet auteur trop peu reconnu dans l’histoire du cinéma européen.
Coffret «Lady Yakuza» (Carlotta Films)
Réunis en autant de Blu-ray, les huit longs-métrages autour de l’étonnante héroïne surnommée La Pivoine rouge, héroïne de «films de yakuza» situés sous l’ère Meiji, à la fin du XIXe et début du XXe siècle.
L’aventurière orpheline et itinérante poursuit d’épisode en épisode un parcours initiatique émaillé de combats au sabre ou à l’occasion de coups de révolver, voire d’explosions à la dynamite, frayant le chemin d’un honneur qui combine, de manière plus ou moins acrobatique, éthique traditionnelle et féminisme à l’ancienne.
Tournés entre 1968 et 1972, par différents réalisateurs dont l’excellent Tai Katō, les aventures de dame Oryu, toujours interprétée par Junko Fuji, sont de réjouissantes curiosités, proposant des décalages par rapport aux règles des genres «films de sabre» et «films de yakuza» qui évoque les pas de côté des westerns spaghetti. Le coffret comporte en outre les explications et commentaires de deux excellents spécialistes de la question, Stéphane du Mesnildot et Tony Rayns.
«Napoléon», d’Abel Gance (Potemkine et Cinémathèque française)
Ce fut, en 2024, une sorte d’événement. Après un interminable travail de restauration, voire de recomposition, une version intitulée Napoléon vue par Abel Gance offrait au public du Festival de Cannes, de la Cinémathèque française, puis un peu partout dans les salles et enfin à la télévision (sur France 5) les 425 minutes de la fresque napoléonienne, opération menée à bien sous la direction du réalisateur et chercheur Georges Mourier, à qui la Cinémathèque avait confié ce travail de longue haleine. (…)