«Anatomy of Time», le balancier de l’histoire et l’horloge du cœur

Le reflet d’un souvenir, dans l’émotion des sens (Maem jeune, jouée par Thaveeratana Leelanuja).

Le film de Jakrawal Nilthamrong voyage entre les époques pour mieux rendre sensibles les échos entre drames historiques et mouvements intimes.

C’est ici et c’est ailleurs. Sur terre et en songe. Aujourd’hui et il y a cinquante ans. C’est très doux et d’une extrême brutalité. La fille de l’horloger a aimé un jeune homme du village. Mais l’officier la voulait. C’était la guerre, la guerre sans fin des puissants contre les démunis. Là, en Thaïlande, comme partout.

Le vieux général agonise. Il a beaucoup tué, beaucoup imposé sa volonté de fer. Il est un être chétif et dépendant de la femme, sa femme. Il est ou n’est pas le jeune officier conquérant, un demi-siècle plus tard. L’eau a coulé de la montagne, le sang a beaucoup coulé aussi. La vieille qui veille sur son despote sénile a le même geste pour remettre l’horloge en marche que la jeune fille dans la boutique de son père.

A-t-il passé, le temps? Ou bien ne revient-il pas toujours, en cercles que le cadran figure, en réminiscences d’un massacre de paysans à un cri de haine à l’entrée d’une boutique, d’un geste d’amour et de soin à un geste de désir?

Le deuxième long-métrage du Thaïlandais Jakrawal Nilthamrong s’inscrit dans l’histoire de son pays, la mémoire de la sanglante guerre civile menée par l’armée contre les pauvres, histoire jamais terminée, tragédie passée qui renaît, différemment, de braises jamais éteintes, celles des injustices et des oppressions. Là-bas comme ailleurs.

Mais le film est aussi l’histoire d’un destin individuel tordu par l’état du monde, d’un amour qui a changé, et dont nul ne peut dire dans quelle mesure cela fut de force, ou sous l’effet de plus troubles inclinations.

C’est son histoire à elle, Maem, et de ce qui s’est joué en elle, dans la forêt, dans la grotte de son for intérieur, sur une plage de jouissance. Son histoire à elle, Maem, vieille épouse dévouée d’un tyran cacochyme, prête à s’épuiser en attentions sans doute vaines, prête à partir dans les rues de la grande ville à la recherche du vieux salaud auquel elle a lié sa vie, mâle arrogant retombé en enfance et perdu dans les rues.

Une beauté envoûtante et terrible

La beauté envoûtante et terrible d’Anatomy of Time tient à la manière dont la réalisation rend perméables les uns aux autres ces espaces et ces époques distantes, circulant sans discontinuité entre des affects que, logiquement, non seulement tout sépare mais tout oppose.

Le récit du film se développe ainsi en inventant une impossible compatibilité du temps linéaire, tendu sur le fil des causes et des conséquences, et du temps cyclique, où les promesses comme les cruautés reviennent selon une figure circulaire. (…)

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