«Le Temps des moissons» ou les quatre saisons d’un changement de monde

Dans le regard d’un garçon de 10 ans, un monde apparaît, un monde disparaît.

Le film fresque de Huo Meng raconte une histoire singulière et locale avec un souffle et un sens de la beauté qui pulvérisent les limites.

Le troisième long métrage de Huo Meng fait partie de ces films dont on doute que l’énoncé de ce qu’il raconte soit de nature à faire se précipiter des spectateurs. Sa grande beauté, son émouvante puissance tiennent pourtant bien à ce récit, mais elles dépendent entièrement de la manière dont il est mis en scène.

Vaste fresque inscrite dans les campagnes chinoises encore très peu développées au début des années 1990, il a été tourné durant une année entière pour décrire le quotidien d’un village au moment où les réformes économiques bouleversent les modes de vie ancestraux, ce qu’ils avaient d’oppressants comme ce qu’ils avaient de chaleureux et de nécessaire à la survie.

Observées et vécues par Chuang, un garçon de 10 ans venu habiter avec ses grands-parents paysans tandis que ses parents travaillent à la ville, les multiples péripéties de son quotidien acquièrent une intensité, une brutalité, une splendeur, une douceur chaque fois singulières.

Travail en commun et traditions, effort physique et contact avec la nature sont autant d’expériences nouvelles pour Chuang (Wang Shang). | ARP Sélection

Alternant très gros plans et immenses vues de la nature travaillée sans relâche, Le Temps des moissons suscite peu à peu une sensation très concrète des conditions d’existence, comme le cinéma y a rarement donné accès, tout en insufflant vie et chair à de multiples personnages qui ne cessent de gagner en présence autonome.

Le film, qui a été un des événements du dernier Festival de Berlin, où il a reçu un très légitime Ours d’argent, engendre un impressionnant effet d’immersion, d’une manière paradoxale. Paradoxale en ce que, loin de faire oublier les réalités du monde, il y donne accès de manière sensible.

«Géorgiques» chinoises

Les rapports au temps, aux rythmes, à l’espace –la plaine immense, les habitats exigus et inconfortables–, aux croyances, aux formes de hiérarchie et de solidarité, deviennent perceptibles grâce aux puissances de l’image et du son. (…)

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