Entre la caméra qui filme et la caméra filmée, entre le regard d’un Européen et des points de vue africains, les jeux biaisés d’une aventure aux multiples inconnues.
Humoristique, étrange, affectueux et inquiétant, le film d’Armel Hostiou est une quête à la recherche d’identités à redécouvrir dans les méandres d’internet et de Kinshasa.
Il s’appelle Armel. Il est réalisateur. Il a un compte Facebook, ce qui n’est pas très original (il y en a un peu moins de trois milliards). Un jour, il s’aperçoit qu’un autre Armel, avec le même nom de famille, et sa photo à lui, Armel Hostiou, a aussi un compte sur le réseau social. Le détenteur de ce compte qui utilise son identité a plein d’amis, plus exactement d’amies, toutes de Kinshasa, capitale de la République démocratique du Congo –où Armel Hostiou n’a jamais mis les pieds.
Il alerte Facebook de cette usurpation et demande la suppression de ce clone abusif. La grande entreprise du métavers lui répond qu’elle n’a rien à y redire et qu’il est d’ailleurs peut-être lui-même l’usurpateur. Il décide de partir en RDC, à la recherche de qui, se faisant passer pour lui, organise des castings de jeunes filles, payants, en vue de films qui ne se tourneront jamais.
À l’aéroport de Kinshasa, Armel est accueilli par Peter, qui dirige un lieu culturel et va l’héberger, et Sarah, une des résidentes de ce lieu. Et c’est parti.
Un triple labyrinthe
Parti pour une enquête dans un triple labyrinthe, celui de la mégapole africaine, celui des réseaux virtuels, celui des imaginaires associés au cinéma et au star-sytem. À la fois naïf et déterminé, Armel circule entre rendez-vous transformés en lapins, rencontres joyeuses ou déroutantes, approches fortuites de mœurs et de comportements dont il ignore tout.
Dans les bistrots et les maquis ou au village, sur des sites personnels et des chaînes YouTube, au coin de la rue la nuit sous des trombes d’eau, son chemin croise celui d’un hacker, d’un avocat, d’un féticheur, d’un pêcheur au bord du fleuve, d’un rappeur.
Dans des espaces d’exposition et des temples de cultes variés, se tissent les approches parfois comiques, parfois inquiétantes, souvent troublantes, non pas d’une réalité, mais d’un ensemble de pratiques, de comportements, de manières d’exister.
Armel, le vrai (en tout cas c’est ce qu’il dit), en train de filmer au centre culturel La vie est belle, à Kinshasa. | Météore Films
Armel filme, Armel est filmé, Armel est filmé en train de filmer. Certaines situations semblent improbables, des digressions surgissent, voici trois jeunes filles proclamées expertes en séduction par écrans interposés, voici un agent artistique qui est sans doute aussi un agent double, ou triple, et un musicien, et une vedette triste de son quartier.
La quête d’Armel, pilotée par Peter et Sarah, les interférences de récits, de croyances, de trafics, ce que font les gens, ce qu’ils en disent, ce qu’ils en montrent, prolifère et se ramifie comme de la végétation équatoriale. Armel le faux existe-t-il? Et le vrai? Et qui est Peter? Ces questions elles-mêmes ont-elles seulement un sens? (…)