Une riche moisson de DVD pour l’été

Sarraounia (interprétée par Aï Keita), la reine résistante du film  de Med Hondo qui porte son nom.

Florilège de parutions récentes, où voisinent les découvertes, les possibilités de retrouvailles et les nécessaires repères historiques.

Bref rappel à propos du DVD. Les supports physiques (DVD, Blu-ray et leurs déclinaisons) sont désormais un mode d’existence à part entière du cinéma. Un mode d’existence «de niche», loin de la diffusion de masse d’il y a vingt ans, mais qui correspond à des pratiques –d’édition, de visions des films, de collection– désormais appuyées sur un écosystème viable, grâce aussi, en France, au soutien des pouvoirs publics. Mais on trouve ailleurs, notamment aux États-Unis, de grands éditeurs qui font également un travail remarquable, dans des conditions relativement stables.

L’édition DVD répond à des besoins spécifiques, qui pour n’être pas ceux du dit «grand public», concernent suffisamment de monde (33,5 millions de galettes ont été vendues en 2022 d’après le CNC) pour que soit poursuivie une activité qui rend possible la parution ou la réédition de centaines de titres chaque année, permettant des découvertes multiples et de natures différentes.

Celles-ci concernent aussi bien l’histoire du cinéma classique, par exemple le prochain retour, d’abord en salles puis en support vidéo, d’un chef-d’œuvre de Yasujiro Ozu, devenu invisible depuis des décennies, Les Sœurs Munakata (1950), qui fut un événement de la sélection Cannes Classics, ou The Pawnbroker (Le Prêteur sur gages) de Sidney Lumet (1964), que l’exploration d’œuvres méconnues, comme celle du réalisateur philippin Mike de Leon, ou la redécouverte de films qui ont marqué leur époque avant d’être oubliés, comme Le Destin de Juliette d’Aline Issermann (1983).

Mais l’édition DVD est également l’occasion d’un important travail d’accompagnement, avec les bonus, les documents imprimés, la composition de coffrets collectors, qui participent de la construction d’une présence durable, dans les mémoires et dans les domiciles de chacun et chacune, pour de très nombreuses réalisations.

Ce format est aussi la possibilité d’une continuation pour les films récents, en particulier ceux qui n’ont pas pu trouver toute la place qu’ils méritaient sur des grands écrans de plus en plus embouteillés. Sans prétendre rivaliser avec la VOD, les supports matériels échappent à la logique de flux, qui ne cesse de déplacer l’attention.

Au moment de préparer les bagages pour les vacances, a fortiori pour un endroit mal connecté, mais en fait pour tous les lieux et à tous les moments de l’année, voici un choix subjectif mais enthousiaste de quelques nouveautés remarquables.

«Saint Omer» d’Alice Diop (Blaq Out) et «Aftersun» de Charlotte Wells (Condor Entertainment)

Ce sont les deux plus belles révélations du cinéma mondial au cours de l’année 2022, et il importe de pouvoir les découvrir si on ne l’a déjà fait, ou d’en garder une trace sous une forme matérielle pour les retrouver à volonté. Signés de deux jeunes réalisatrices, l’un française, l’autre britannique, et tout à fait différents l’un de l’autre pour le reste, ils témoignent ensemble d’une vitalité des écritures cinématographiques, des diversités d’approche et, au-delà des gouffres qu’explore Saint Omer et de la mélancolie d’Aftersun, du bonheur de faire des films chez celles qui en font, et de les regarder, pour qui en deviendra spectateur ou spectatrice.

«Abattoir 5» de George Roy Hill (Carlotta)

Aux confins de la science-fiction et du film de guerre, l’adaptation du roman éponyme de Kurt Vonnegut Jr. invitait en 1972 à un voyage dans le temps, et dans les méandres de l’esprit d’un soldat traumatisé, avec une impressionnante puissance d’évocation. Celle-ci est renforcée par la bande musicale, une des rarissimes incursions dans ce domaine du pianiste et compositeur canadien Glenn Gould, où Jean-Sébastien Bach participe de manière inattendue à la construction d’un univers à la fois spectaculaire et intime, futuriste et rétro.

«Esterno notte» de Marco Bellocchio (Arte Vidéo)

Il n’est pas d’usage ici de mentionner les productions qui ont été, hors festivals, diffusées uniquement à la télévision. Mais il importe de faire une exception pour la grande œuvre de Marco Bellocchio consacrée à l’assassinat d’Aldo Moro. Ayant techniquement le statut d’une série, et son organisation formelle (en six épisodes de 55 minutes), Esterno notte est pourtant bien une grande œuvre de cinéma. Et un élément majeur de ce que ce réalisateur de première importance continue de créer, en relation avec l’histoire de son pays.

«Libera me» d’Alain Cavalier (Tamasa)

Juste après Thérèse, qui lui valut en 1986 un triomphe aussi légitime que sans lendemain, mais lui offrit la liberté de réaliser comme il l’entend, Alain Cavalier inventait ce réquisitoire implacable contre la torture. D’une éloquence aussi radicale que l’est le refus d’employer la parole, Libera me, pour la première fois accessible depuis sa sortie en 1993, reste aujourd’hui une proposition de cinéma d’une immense force et une affirmation politique et éthique d’une salutaire urgence.

Rétrospectivement, il apparaît aussi comme un jalon significatif sur le chemin qui a mené Alain Cavalier à la pratique singulière qui est désormais la sienne, celle d’un filmeur incarnant à lui seul une promesse immense de cinéma.

«La Comtesse aux pieds nus» de Joseph Mankiewicz (Carlotta)

Un des meilleurs films de cette figure majeure du Hollywood d’après-guerre qu’est Joseph L. Mankiewicz bénéficie d’une réédition de luxe, véritable écrin adapté à ce bijou sentimental et cruel qu’est La Comtesse aux pieds nus (1954). Mankiewicz y déploie avec virtuosité certains des procédés qu’il maîtrise à la perfection, comme l’usage de la voix off, et la reconfiguration des points de vue sur une histoire, selon différentes approches au fil de cette variation à la fois vibrante et désabusée de l’éternel récit de l’ascension et de la chute.(…)

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