Les Jours d’avant de Karim Moussaoui, avec Souhila Mallem, Mehdi Ramdani. Durée : 0h47. Sortie le 4 février.
C’est une histoire de partout et de toujours, une histoire d’amour qui n’adviendra pas entre deux adolescents, ces sont les émois et les retenues, les gestes bravaches et les timidités paralysantes.
Et c’est une histoire située précisément en un lieu et un temps : dans une petite ville au Sud d’Alger en 1994. La romance contrariée de Djaber et Yamina suit son cours chaotique, mais alentour monte la violence extrême de l’atroce guerre civile qui déchire alors le pays.
Avec ce film de moins d’une heure, le jeune réalisateur algérien Karim Moussaoui réussit le tour de force non seulement de raconter avec une justesse rare le roman d’une impossible initiation amoureuse et la montée en puissance des meurtres et des menaces dans un environnement paisible, mais de faire de l’entrelacement de ces deux dimensions si étrangères l’une à l’autre la ressource d’une rare puissance cinématographique.
Il y réussit grâce à la légèreté de l’écriture et à la qualité de l’interprétation de ses jeunes acteurs, mais surtout en filmant avec une sorte de détachement, de constat sans pathos ni discours surplombant. Laissant au spectateur toute latitude de construire ses propres repères et explications dans un contexte à la fois très reconnaissable (les amours adolescentes) et très particulier (les attentats), il trouve une juste distance qui tient notamment à la capacité à se tenir légèrement en retrait, ou en biais. Ce point de vue fait merveille notamment dans les scènes les moins chargées dramatiquement, une promenade dans la campagne, se servir à boire dans une fête, rendre service à l’épicerie du coin.
Ce retrait ou ce décalage ont la vertu d’inscrire les protagonistes dans un environnement qui est d’abord des lieux, des matières, une lumière hivernale, les murs tristes des petits immeubles et la terre boueuse des routes mal entretenues. Cette matérialité des situations donnent leur présence à la vigueur des pulsions vitales chez les lycéens, à la difficulté d’en trouver des manifestations, aux pesanteurs multiples qu’affrontent les jeunes gens, pesanteurs hétérogènes et pourtant mêlées, y compris de manière disproportionnée, quand le danger que papa découvre qu’on est allée à une fête est perçue comme infiniment plus terrible que la menace de mort bien réelle qui rôde.
Ce retrait et ce décalage sont déployés, sur la bande son, par la présence de deux voix off, celle du garçon, celle de la fille, et par l’emploi du passé. En même temps qu’une tristesse, et finalement qu’une horreur, il y a une ouverture quand même, un souffle qui passe dans ces écarts et qui fait des Jours d’avant un film assurément mélancolique et en prise sur une situation horrible, mais vivant.