Sur le qui-vive, Lokita (Joely Mbundu) et Tori (Pablo Schils), héros romanesques d’une aventure ô combien réelle.
Le nouveau film des frères Dardenne fraie un chemin aventureux entre violences faites aux mineurs migrants et vigoureuse amitié entre ses deux personnages.
Elle est de face, enserrée par le bord de l’image comme par un piège, cernée par les questions. Celle qui, hors-champ, pose les questions parle d’une voix douce, ennuyée de l’avoir ainsi coincée. Lokita, l’adolescente noire, se débat et puis s’échappe.
Ce sont les premières minutes. La jeune Africaine n’a pas su répondre, pas su fournir les histoires attendues, les histoires prévues à l’avance par celles et ceux qui font les règles, qui ont le pouvoir de décider de la vie des autres.
Mais tout de suite après on verra que Lokita, comme le titre déjà l’annonçait, n’est pas seule. Il y a Tori, le petit garçon, son frère.
Du point de vue de la réglementation, ils ne sont pas frère et sœur, prétendre qu’ils le sont fait partie de cette fragile et nécessaire architecture de récits qui les a maintenus à flots, depuis le pays qu’ils ont quitté, à travers ceux qu’ils ont traversés, jusqu’à cette ville en Belgique.
Comme une plante vivace
Même si pas nés des mêmes parents, ni d’ailleurs dans la même région, ils sont pourtant plus frère et sœur que beaucoup que celles et ceux que la loi et la tradition reconnaissent ainsi. Il et elle sont d’une fraternité-sororité non pas donnée mais forgée par le courage, l’affection, et un sens aigu de la survie.
Le dixième film de Jean-Pierre et Luc Dardenne depuis La Promesse en 1996 jaillit de là. C’est un film comme une plante vivace, porté par un élan, habité d’une sève tonique qui emporte malgré la dureté des violences qu’ils affrontent, des pièges qui les guettent, des abimes qui s’ouvrent sous leur pas.
Imprégnés des malheurs contemporains, terriblement réels, qui frappent impitoyablement les mineurs exilés par la misère et les menaces mortelles qui règnent dans leur pays d’origine, Tori et Lokita est aussi un haletant film d’aventure.
L’enchaînement des tribulations, des épreuves, des inventions tressent en permanence l’énergie du romanesque et la brutalité précise des constats quant à l’état du monde, de notre monde.
Tori, à l’affût de toutes les possibilités d’échapper à un sort funeste. | Diaphana Distribution
Comme toujours avec les cinéastes de Rosetta et du Fils, mais tout particulièrement cette fois, la vigueur du mouvement narratif se nourrit d’une attention aux gestes, aux outils, aux moyens d’agir, de se déplacer, de faire circuler l’information, de trouver une issue.
Qu’il s’agisse des procédures pour obtenir des papiers, du contrôle exercé par le dealer sur les revendeurs, des méthodes des passeurs ou des techniques de culture de la marijuana, les mécanismes sont montrés avec soin. Un soin qui parie sur la puissance de compréhension qu’activent ces mécanismes et ces méthodes. (…)