Cinq garçons lancés dans une odyssée à travers les dangers et les espoirs d’une autre existence.
Le film de Laura Mora accompagne avec vigueur et inventivité le voyage de jeunes gens lancés dans une quête vitale qui leur fait traverser leur pays, la Colombie marquée par la violence et la misère.
Du monde, ils se sentent un instant les rois, lorsque la vitesse du camion auquel ils ont amarré leur vélo tout-terrain les entraîne au-delà de toutes les gravités –misère, violence, drogue, solitude, impératif machiste, racisme, etc.– qui lestent leurs jeunes existences.
Adolescents des rues de Medellin, Rà un peu plus mûr que les autres, Winny encore un gosse, Sere au bas atrophié, Nano subissant les conséquences brutales de sa peau noire, sont embarqués dans une quête à laquelle s’est joint le trouble Culebro.
Los Reyes del mundo est une odyssée fantastique et réaliste, comme est à la fois fantastique et réaliste la promesse qui les a mis en chemin vers l’arrière-pays colombien: Rà a le droit de récupérer la terre volée naguère à sa grand-mère par les paramilitaires qui ont fait régner la terreur dans le pays durant la guerre civile qui les a opposés aux FARC durant des décennies.
Les enfants de la misère sociale et de la guerre civile
Une telle procédure de restitution existe en effet dans la Colombie actuelle; son application est, elle aussi, réaliste et fantastique. Inventant l’équipée échevelée des cinq jeunes gens, Laura Mora trouve l’énergie violente et rêveuse d’un récit qui emprunte ainsi, non par parti pris stylistique mais par fidélité à la situation effective de son pays, au réalisme magique de la littérature latino-américaine.
Un pays où, encore un peu plus que dans bien d’autres, le sort d’innombrables enfants et adolescents livrés à la vie brutale de la rue, aux trafics et à l’absence d’avenir est une réalité omniprésente, avec en plus la toile de fond d’une sortie de la guerre civile loin d’être réglée.
Récit d’un voyage et récit d’un rêve, Los Reyes del mundo invente une narration où les manifestations de réalités d’une dureté extrême alternent avec des moments de suspens de la noirceur du monde, qui scandent comme des échappées mentales l’aventure de Rà et de ses copains.
La si douce tendresse de vieilles fées surgies du néant dans un inexplicable bordel en pleine campagne. | Rezo Films
Si l’apparition récurrente d’un cheval blanc aux allures d’hallucination prélude systématiquement à une catastrophe, d’improbables étapes de douceurs surgissent au détour de cette route taillée par la petite troupe, qui s’amenuise de par la perte en chemin de certains de ses membres.
Le bordel kitsch en pleine cambrousse tenu par les vieilles prostituées maternelles, l’ermite aux chiens retiré en haut de sa montagne, le couple de paysans si âgés qu’ils sont peut-être des spectres hantant leur maison en ruine, sont autant d’espaces oniriques où s’imagine un autre monde –le seul où les adolescents règneront jamais. (…)