À découvrir en salles: «Neptune Frost», «Le Cours de la vie», «On a eu la journée bonsoir»

Échappé de l’enfer des mines de métaux rares, Matalusa (Kaya Free) rejoint les héros-hackers de la décharge à défendre.

Sublime songe afro-futuriste, plongée affectueuse dans les méandres de l’écriture de fiction, parcours d’une cinéaste aux côtés de celui qu’elle aime jusqu’au bout du chemin, les films d’Anisia Uzeyman et Saul Williams, de Frédéric Sojcher et de Narimane Mari partagent, au-delà de leurs immenses différences, la même foi dans les puissances du cinéma.

«Neptune Frost» d’Anisia Uzeyman et Saul Williams

C’est là tout de suite, très fort. La puissance visuelle des images composées par le réalisateur et musicien américain et la réalisatrice et actrice rwandaise. Les formes, les couleurs, les ombres profondes, l’inventivité du maquillage et des costumes, la splendeur des visages et des corps.

Dans une carrière de coltan, un homme est mort des sévices des garde-chiourmes qui font trimer pour alimenter le moloch de nos technologies en métaux stratégiques. Le pouvoir envoie ses sbires casqués écraser la contestation étudiante.

Des rêves indiquent un chemin nécessaire et tortueux à celui qui a fui la carrière. Une grande femme en robe rouge entre dans la ville dangereuse. Était-elle l’homme qui a traversé le fleuve? Les chants mêlent plusieurs langues, plusieurs origines, plusieurs horizons.

L’électronique et les rites anciens font des courts-circuits où s’esquisse l’hypothèse d’un hacking décolonial. Les danses, les peaux, les éclairs avivent les désirs, les espoirs, les terreurs. La techno-dystopie fluo vibre des messages codés des tambours de guerre et d’incantations. Les flics rose bonbon ne sont que la figure la plus simpliste des menaces destructrices.

Entre les lignes de code, entre les pixels, au détour des mots de passe et des poèmes, se cachent et agissent guérilleros et agents des forces de domination. Contre l’horreur du présent, des laissés pour compte font le pari de connecter les puissances du passé et de l’avenir.

Très vite, on a compris que la richesse même de l’invention formelle des deux cinéastes peut devenir le pire ennemi du film, au risque de le transformer en défilé de mode afro-futuriste.

Réelles et virtuelles, alliées et ennemies, masquées et ornées, les créatures métissées par la forêt et les réseaux numériques, en un combat dansé et mortel. | Damned Distribution

Et sans cesse, l’écueil est contourné, ou dynamité, par la vigueur des présences physiques, les ramifications romanesques, la manière de faire résonner troubles dans le genre, tragédies environnementales, démons de l’oppression immémoriale et très contemporaine.

Neptune Frost est une formidable aventure de spectateur, grâce à sa capacité à déplacer constamment des repères visuels et sonores, à recomposer les motifs dramatiques. La tension érotique, les envolées oniriques et la trame métallique et sanglante des dominations se tressent selon des motifs réinventés, où le conte se déploie comme une splendide fleur vénéneuse.

Neptune Frost de Saul Williams et Anisia Uzeyman, avec Cheryl Isheja, Elvis Ngabo, Bertrand Ninteretse “Kaya Free”, Eliane Umuhire

Séances

Durée: 1h45

Sortie le 10 mai 2023

«Le Cours de la vie» de Frédéric Sojcher

Face aux étudiants en cinéma, la scénariste renommée s’adresse aussi à leur directeur, son amour de jeunesse (Jonathan Zaccaï). | Jour2Fête

Invitée à l’école de cinéma de Toulouse, l’ENSAV, une scénariste célèbre qui ressemble beaucoup à son interprète, Agnès Jaoui, explique comment elle travaille devant les élèves. Et devant le directeur de l’école qui l’a fait venir, et qui fut trente ans plus tôt son amoureux. Ils étaient alors eux-mêmes étudiants en cinéma.

Entre paroles sur le travail d’écriture fictionnelle, écarts réels ou apparents entre générations quant aux sentiments et aux manières de les exprimer, émotions refoulées, secrets du passé, Frédéric Sojcher tisse une émouvante composition, non dépourvue d’humour –y compris d’auto-ironie, de la part d’un réalisateur qui est également une figure reconnue de l’enseignement du cinéma à l’université.

Une journée durant, Noémie jongle avec les anecdotes, les punchlines, les extraits de films, navigant et dérivant entre maîtrise de l’oratrice qui domine son sujet et fragilités d’une femme habitée de mémoires douloureuses. La masterclasse est enregistrée par trois caméras selon des angles et des cadres différents, elles soulignent chacune un rapport entre «le cours» et «la vie». (…)

LIRE LA SUITE

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s