Le cinéaste brésilien est mort le 21 avril, à l’âge de 89 ans. Il fut le premier à incarner un moment essentiel de cette modernité dont la Nouvelle Vague française deviendra le symbole.
Dès son premier long métrage, Rio, 40° en 1956, Nelson Pereira Dos Santos affirme un style inspiré du néoréalisme italien pour raconter la vie des différents quartiers de la métropole brésilienne, aux côtés de gosses des favelas.
La même ambition de description «à fleur de réel» –cette fois par les ressources de la fiction– de l’existence des classes populaires urbaines se retrouve dans Rio Zone Nord (1957), avec des moyens plus complexes, les chants et danses de l’univers de la samba et la présence d’un extraordinaire acteur et chanteur, déjà grande vedette au Brésil, Grande Otelo.
Mais c’est son quatrième long métrage, situé dans la région désertique du Sertao, au nord du pays, qui imposera sur la scène internationale le nom du réalisateur, et avec lui l’avènement de ce que la critique, notamment française, salue sous le nom de Cinema Novo.
Primé à Cannes en 1964, Vidas Secas est un repère majeur, avec son réalisme cruel et son fantastique halluciné par la profondeur de la misère et la violence des conditions physiques et sociales que subissent les paysans.
Un mouvement collectif d’artistes singuliers
Le film joue un rôle décisif dans la reconnaissance d’un mouvement où s’expriment au même moment la figure la plus célèbre du Cinema Novo, le flamboyant Glauber Rocha, également dans le Sertao avec Le Dieu noir et le diable blond (et plus tard Antonio das Mortes), mais aussi dans le monde urbain et les milieux politiques avec Terre en transe.
En quelques années s’affirment également Ruy Guerra, évoquant la violence de la répression dans les régions rurales (Os Fuzis) comme le trouble d’une jeunesse des villes rétive aux codes sociaux et aux mœurs dominants (La Plage du désir), Carlos Diegues avec Ganga Zumba à la gloire du chef d’une révolte d’esclaves noirs, Paolo Cesar Saraceni en milieu urbain, alors à la pointe d’une modernité à rapprocher d’Antonioni avec O Desafio, Leon Hirzsman, surtout documentariste, ou Joaquim Pedro De Andrade, à qui on doit le délirant Macunaïma.
La grande variété des thèmes et des styles s’inscrit sur un horizon clairement politique, où le coup d’État militaire de 1964 instaurant une dictature qui durera vingt ans est un séisme de première magnitude. C’est encore Nelson Pereira Dos Santos qui signera le grand film marquant la sortie de ces années noires, et leur évocation la plus explicite, avec le magnifique Mémoires de prison, en 1984.
Mais si le Cinema Novo, dont Eryk Rocha –le fils de Glauber– a remarquablement raconté l’histoire dans son documentaire du même nom, est un phénomène culturel majeur au Brésil, il est aussi un événement important à l’échelle mondiale. Il s’agit sans doute du premier mouvement cinématographique collectif reconnu internationalement. (…)