Marussia d’Eva Pervolovici, avec Dinara Drukarova, Marie-Isabelle Shteynman, George Babluani, Dounia Sichov, Aleksey Ageev, Madalina Constantin, Sharunas Bartas, Denis Lavant. Durée: 1h22. Sortie le 21 janvier.
Il y a toujours quelque chose d’émouvant, de vivant, lorsqu’on éprouve une ressemblance entre un film et ses personnages, entre l’histoire racontée et la manière de la filmer. A fortiori si, comme c’est le cas avec ce premier film d’une jeune réalisatrice d’origine roumaine, cette ressemblance tient à une forme d’énergie à la fois ludique et essentielle, énergie qui semble commune à la cinéaste et à ses protagonistes.
Lucia (Dina Drukarova) est une jeune femme russe flanquée de sa fille de 6 ans, Marussia. Elles se sont retrouvées à Paris suite à des circonstances peu claires, et sur lesquelles les explications fournies à l’occasion par Lucia n’inspirent qu’une confiance limitée. Lucia et sa grosse valise jaune, Marussia et son sac à dos rose errent dans les rues de la capitale, d’église orthodoxe en foyers pour sans abri, de rencontres amicales mais sans lendemain et propositions de protection dont la jeune femme ne veut pas en cohabitations forcées avec les clochards sous les ponts de la capitale.
La situation des deux personnages a beau être très précaire, Lucia refuse mordicus d’entrer dans une logique d’assistanat, dans un scénario misérabiliste – pour sa fille, à qui elle ne renonce pas à offrir des moments d’enchantement, et pour elle-même, dans une sorte d’obstination butée à vouloir croire qu’il est possible d’exister autrement que selon les codes auxquels les circonstances, et les gens même les mieux intentionnés, semblent la condamner.
Racontant cette histoire qui semble-t-il s’inspire d’une expérience vécue par une proche, Eva Pervolovici se conduit, comme réalisatrice, exactement comme Lucia : avec une sorte de vaillance indomptable et modeste, une tension joyeuse et intraitable malgré les obstacles « objectivement » insurmontables qui jalonnent sa route. Pratiquant une manière de collage sauvage entre moments réalistes et scènes oniriques, d’une fantasmagorie délibérément naïve qui peu à peu donne une présence à l’imaginaire de la petite fille, au point de déplacer vers elle le centre de gravité d’un film d’abord polarisé par sa mère, Marussia offre à ses deux héroïnes la ressource d’un optimisme sans niaiserie ni aveuglement. Et, sans rayer du paysage les « éléments de réel », réel bien peu reluisant, ce film aussi cosmopolite par sa production que pour ses personnages est comme une revendication à la fois ludique jusqu’aux frontières du loufoque, et d’une grande dignité.
….; »!a manière de filmer » en plus ,bien sûr !
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