«Wallay» et «Patagonia», de l’Afrique de l’Ouest à l’Amérique latine, deux chemins de cinéma ouverts sur le monde

Conte initiatique et contemporain au Burkina avec Berni Goldblat, tragédie épique dans le grand Sud argentin avec Emiliano Torres, à la découverte de deux premiers films aussi différents que réjouissants.

L’un s’appelle Wallay. L’autre s’appelle Patagonia. Ce sont deux films qui n’ont en apparence pas grand chose en commun hormis le fait de sortir le même jour. Deux beaux films qui, n’était l’embouteillage à l’entrée de l’été, auraient mérité chacun un texte.

Deux films qui se trouvent donc avoir au moins en commun le risque de passer inaperçus, alors même que de très belles œuvres, Visages Villages d’Agnès Varda et JR et Les Derniers Jours d’une ville de Tamer El Saïd, qui sortent eux aussi ce 28 juin, ont toutes raisons de mobiliser l’attention de qui s’intéresse à l’actualité de l’art du cinéma.

Ce sont, aussi, deux films «du Sud», comme on dit, l’un vient d’Afrique, plus précisément du Burkina Faso, l’autre d’Amérique latine, plus précisément d’Argentine. Ce n’est pas ça qui va les aider.

Ils encore deux points communs, avant d’en venir à leurs singularités, qui sont l’essentiel. L’un et l’autre sont le premier long métrage de fiction de leur auteur. Et, surtout, l’un et l’autre n’existent que d’une croyance éperdue dans les puissances du cinéma –un phénomène beaucoup moins courant chez ceux qui font des films qu’on ne croirait, et qu’on ne voudrait.

Wallay, Ady à la rencontre du monde

Cette croyance, elle se découvre peu à peu dans Wallay du réalisateur suisso-burkinabé Berni  Goldblat. Au début, on se croit en terrain prévisible, et pas très prometteur. Un garçon de 13 ans, Ady, métis élevé par son père africain, gamin d’une banlieue française, est renvoyé contre son gré dans la ville de sa famille paternelle.

Il y découvre et y affronte un mode de vie qui lui était étranger, éprouve des rencontres avec les humains, les lieux, la nature, la technique, en totale décalage avec tout ce qu’il a connu dans une cité de la banlieue lyonnaise.

Récit initiatique, découverte de ses origines lointaines, construction de soi, expérience de la différence: oui, il y a bien tout cela dans Wallay.

Mais très vite, loin des saynètes convenues, il apparaît que Berni Goldblat, qui vit et travaille au Burkina, mise davantage sur les atmosphères, les lumières, les sonorités, les matières que sur l’illustration par des péripéties du parcours d’Ady.

Dans cette grosse bourgade de brousse, ville d’aujourd’hui saturée de traditions mais pas du tout à l’écart du monde, c’est un très riche ensemble de variations qui se met en place avec les membres de la famille des différentes générations, hommes et femmes, les amis, les voisins.

Faisant jouer les ressorts de la comédie et du conte, le film tout en restant extrêmement simple devient ainsi espace d’accueil à un monde de relations complexes, diverses, mouvantes.

La beauté des images notamment dans les intérieurs peu éclairés, la capacité en quelques plans larges d’inscrire une aventure individuelle dans un environnement beaucoup plus vaste, confirment la fécondité de la mise en scène de Goldblat.

Moisson africaine

En cette année marquée par l’apparition du magnifique Félicité d’Alain Gomis, réalisateur sénégalais, tournage au Congo, après aussi la découverte des Initiés  de John Trengove (Afrique du Sud), et 15 jours après la sortie du très réussi Wulu du Malien Daouda Koulibaly, on se dit que cette année est inhabituellement féconde pour les cinémas d’Afrique, même s’il ne s’agit encore que de quelques cas.

Patagonia, plus grand que les hommes

Avec Patagonia, pas de doute. Ici, le pari sur les puissances expressives et dramatiques du cinéma est affirmé d’emblée. Un cinéma qui saurait pouvoir tout miser sur l’espace et la lumière, et la présence intense des corps. Très peu de mots dans ce récit d’hommes, affrontement entre le vieux gaucho qui tient une immense hacienda et le jeune type taciturne qui doit prendre sa place.

Non que Patagonia soit dépourvu d’histoires. Sera contée celle du vieux avec sa famille et celle du jeune avec la sienne, même de manière laconique. Seront aussi racontés le destin de l’élevage de moutons, et le rôle des différents patrons, patron du patron et patron du patron du patron, dans cet univers impressionnant d’horizontalité géographique, mais où la pyramide du pouvoir est d’une tout aussi violente verticalité.

On songe au western, évidemment, les paysages immenses, les troupeaux, les hommes à cheval, les fusils. Mais un western habité d’une toute autre mythologie, sans rien de conquérant ni de dominateur chez ses deux héros –ce sont bien des héros– mais porteurs d’une idée très ferme d’un «art de vivre», rude, solitaire, brutal.

Patagonia, dont on peut préférer le titre original, El Invierno, «l’hiver», est une tragédie. La tragédie du combat des humains avec ce qui les dépasse, le passage du temps, la dureté extrême de la nature, l’ordre capitaliste.

 Cette tragédie presque sans mots trouve dans les cadres de l’écran large, la blancheur de la neige et la noirceur de la nuit, l’impressionnante beauté des visages masculins –beauté sans affèterie ni joliesse, et qui est tout autant dans la façon de les filmer– une force impressionnante, force «ouverte», qui laisse chacun avec ses songes et ses méditations. 

Wallay

de Berni Goldblat, avec Makan Nathan Diarra, Ibrahim Koma, Hamadoun Kassogué, Josephine Kaboré

Durée: 1h24.

Sortie le 28 juin 2017

Séances

 

Patagonia, el Invierno

d’Emiliano Torres avec Alejandro Sieveking, Cristian Salguero

Durée: 1h35.

Sortie le 28 juin 2017

Séances

 

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