L’image d’ouverture du film: la hiérarchie de l’Église face à la cité.
Le film de François Ozon documente avec précision et sensibilité l’affaire de pédophilie dans le diocèse de Lyon et la naissance de l’action citoyenne qui en a permis la révélation.
1,2,3… soleil? Non, pas soleil, ni même grande lumière, mais un peu moins d’obscurité. Parce qu’un type, puis un deuxième, un troisième, et peu à peu d’autres, ont trouvé l’énergie, le courage, la colère de s’extraire d’une glu sinistre qui leur collait à la peau depuis l’enfance.
On le sait, le film de François Ozon est consacré à l’affaire de pédophilie qui a secoué le diocèse de Lyon –et au-delà– et mis en cause le cardinal Barbarin pour ne pas avoir dénoncé ni mis un terme aux agissements d’un prêtre pédophile.
Mais Grâce à Dieu, s’il s’appuie sur une reconstitution scrupuleuse d’un ensemble de faits avérés, fait ce que fait tout film: il choisit parmi les éléments disponibles; il organise un récit; il construit une certaine relation, émotionnelle, à des situations.
Bien davantage qu’un «dossier de société»
Les choix de narration et de mise en scène de François Ozon s’appuient sur des événements ayant eu lieu, des paroles ayant été prononcées, des actes ayant été reconnus par leurs auteurs. Et c’est aussi pour s’approcher d’enjeux qui dépassent ses sujets évidents.
Ceux-là, affichés et traités, ce sont les innombrables actes de pédophilie du père Preynat, le silence des victimes, de l’institution religieuse et des familles pendant des décennies, les manœuvres de la hiérarchie catholique pour minimiser les faits ou ralentir les tentatives de les exposer, le caractère nullement exceptionnel de tout cela au sein de l’Église catholique.
Mais Grâce à Dieu est bien davantage qu’un «dossier de société» bien ficelé et bien filmé, parce qu’il touche, deux fois, à une zone obscure.
La première concerne Preynat, le curé pédophile. La manière dont Bernard Verley, qui l’interprète, et François Ozon, qui le filme, acceptent et rendent sensibles cette présence, dans son vertige de culpabilité, de souffrance, de brutalité et de volonté de bien faire, de piété sans doute, de narcissisme aussi, engendre une extraordinaire zone de trouble, sans minimiser une seconde la gravité des actes commis.
Bernard Verley, extraordinaire interprète du père Preynat
Face à lui, le jugement moral est sans appel, mais le film trouve l’intelligence sensible de prendre acte que l’on n’en aura pas fini ainsi –et pas plus avec le jugement pénal et le procès canonique encore à venir. Qu’il y a un reste, opaque et terriblement humain, au-delà de ce que peuvent prendre en charge la morale et le droit.
Abîme individuel et émergence du collectif
L’autre dimension, centrale pour le film, est la construction d’une action collective mobilisant des personnes extrêmement différentes. (…)