«Un été comme ça» ou les ombres et beautés du diable au corps

Au cœur de la nature dans le soir qui vient, Léonie et Geisha, deux des intrigantes pensionnaires de la maison dans les bois.

Le nouveau film de Denis Côté accompagne le parcours de trois femmes vivant des relations extrêmes avec leur sexualité, dans un lieu ouvert à de multiples expériences.

Jamais il ne sera dit dans le film dans quelle mesure ce qu’on y voit renvoie à des pratiques existant véritablement. Et cela n’a aucune importance.

Y a-t-il vraiment au Canada, au Québec en l’occurrence, de tels lieux champêtres, où sont accueilles des femmes en rupture de société, avec des passifs lourds liés à des comportements addictifs où la sexualité joue, de diverses façons, un rôle central? Le spectateur, s’il s’abstient de s’informer par ailleurs, n’en saura rien. Tant mieux.

Ils sont légion, les films qui affichent en ouverture «D’après une histoire vraie». Il y a quelque chose d’un peu misérable à aller ainsi se réfugier derrière une telle proclamation. Car la vérité, la vérité du film, tient au film lui-même, à ce qui s’y active, et pas au fait que son scénario se réfère plus ou moins littéralement à des événements effectivement advenus.

Et de fait, l’immense majorité des films se revendiquant «d’après une histoire vraie» sont faux. Comme si la bouée de l’authenticité journalistique les avait dispensés de savoir nager leur nage cinématographique. Un été comme ça c’est le contraire; Un été comme ça est un film vrai.

Vrai de ce qui s’y joue à chaque instant, y compris les situations les plus paroxystiques ou les plus transgressives. Vrai de la vérité des gestes et des sentiments, de la relation vibrante aux corps. Une scène, assez loin dans le déroulement de ce bel Été, en offre une métaphore radicale.

Une maison dans les bois

Au moment où cette scène a lieu, nous avons vu trois femmes d’âges et d’apparences différentes, Léonie, Geisha et Eugénie, accueillies dans une confortable maison dans les bois, près d’un lac. Sortent-elles de prison, d’un traitement médical ou psychique? On ne saura pas.

À l’arrivée, il leur a été rappelé qu’elle sont là volontairement, et qu’elles ne sont pas considérées comme des malades, ni comme des prisonnières. Alors quoi?

On verra qu’elles ne vont pas bien, qu’elles sont travaillées par des désirs, des pulsions, des habitudes, qui les ont amenées à faire du mal, assurément à elles-mêmes, et peut-être à d’autres. Plus tard elles raconteront, les traumas, les violences subies, les délires. Sans doute pas tout. Et peut-être tout ne sera-t-il pas vrai.

Octavia (Anne Ratte-Polle), Léonie (Larissa Corriveau) et Eugénie (Laure Giappiconi) à l’heure des confidences. | Shellac

Elles sont accueillies pour un mois par la responsable du lieu, Octavia, une thérapeute allemande qui a aussi ses soucis personnels, et par Sami, seul homme dans la maison, travailleur social doté d’une patience si inépuisable qu’elle paraît proche du fatalisme. Ou renvoie à sa propre part de secret.

Au fil d’une succession de situations où figurent une ou plusieurs de ces personnes, se compose pas à pas non un récit, qui aurait quelque chose à dire de leur situation, de leurs motivations, de leur avenir; mais un écheveau de liens, de regards, de silences, de pactes explicites ou non, rompus ou respectés, de circulations gestuelles, verbales, sensorielles.

Une singulière et douloureuse œuvre d’art

Un jour, les trois pensionnaires de ce lieu au statut incertain ont droit à une sortie, chacune de son côté, à sa guise. Là prend place la scène mentionnée plus haut. (…)

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