«Magdala» si seule en un monde si habité

Celle qui marche et survit dans les bois (Elsa Wolliaston), hantée par un chagrin d’amour insondable. 

Le nouveau film de Damien Manivel réinvente la figure biblique de Marie Madeleine pour un cérémonial d’apparition de tous les êtres de nature, unis dans une élégie vibrante de vie malgré le deuil.

La peau. Le visage. Les feuilles. Des gouttes de pluie. Les rides au coin des yeux. La laine brute d’un gros châle. Les branches. Les sons de la forêt. Le grand corps massif et lent. C’est là. Tout est là, dans le même régime d’existence, avec une présence égale. Démocratie radicale de l’image.

C’est le beau miracle du nouveau film de Damien Manivel. Le cinéaste d’Un jeune poète, du Parc et des Enfants d’Isadora organise autour de la monumentale et mystérieuse Elsa Wolliaston, cheminant solitaire à travers bois, un cérémonial, un rituel d’apparition.

De temps en temps, la femme fabrique des petites croix, deux brindilles liées d’une herbe. Elle se nourrit de baies, boit l’eau de la rosée. Elle est hantée d’une douleur insondable, la douleur de la perte de son amour. Parfois elle crie, comme la mendiante d’un autre livre.

Sainte? Folle? Sorcière? Clocharde? Un peu tout cela, et davantage, au-delà des catégories et des rôles assignés.

Marie Madeleine, l’amoureuse

Un carton, au début, évoque la figure de celle qu’on appelle Marie Madeleine, ou Marie de Magdala. Cette femme déjà âgée qui erre solitaire dans la nature est le personnage décrit par les Évangiles comme la plus proche disciple de Jésus, et par certains exégètes comme «son épouse en esprit».

Elle est ici explicitement montrée, lors d’un flashback halluciné et réaliste à la fois, comme ayant été aussi son amante. Damien Manivel suit le fil d’un récit à la fois charnel et mystique, tout entier tendu par la souffrance due à l’absence de l’aimé, où l’étreinte entre celui et celle qui s’aiment serait le plus naturel des actes.

Souvenir ou hallucination, le couple Marie Madeleine et Jésus (Oga Mouak et Saphir Shraga) dont le souvenir obsède la femme solitaire. | Météore Films

Les quelques mots du film, en araméen, contribuent à associer le parcours du personnage à l’une des principales figures féminines de la tradition chrétienne. Celle-ci est bien le modèle, jusqu’à un final en forme d’iconographie volontairement naïve, à l’unisson d’un film qui veut surtout n’avoir aucun surplomb, aucune avance (savante, culturelle, ironique) sur celle et ce qu’il montre.

Un cosmos tout entier

Mais à vrai dire la beauté émouvante et suggestive de Magdala tient fort peu à cette référence biblique, au «scénario Marie Madeleine». À l’opposé de la formule connue, un seul être lui manque, l’être aimé (et il est clair qu’il n’y a ici nulle séparation entre amour charnel et amour spirituel) et tout est infiniment peuplé. (…)

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