Paulius (Laurynas Jurgelis) et Jana (Ina Marija Bartaité) aimantés par un rêve d’ailleurs et d’une autre vie.
Le film de Bojena Horackova et celui d’Alice Winocour sont l’un et l’autre construits sur des allers-retours entre un passé traumatique et un présent perturbé. Avec deux idées très différentes quant à la manière d’en faire d’en faire du cinéma.
Parmi les nombreuses nouveautés dans les salles ce mercredi 7 septembre, les deux films qui attirent le plus l’attention ont en commun d’être construits sur des allers-retours entre deux moments de la vie de leur héroïne. Deux époques scandées par une rupture brutale, une crise collective relevant de la grande histoire, mais évoquée à partir de ses effets sur une personne et son entourage.
Le troisième long métrage de fiction de Bojena Horackova, cinéaste tchèque résidant en France, évoque les élans juvéniles et amoureux d’une adolescente dans la Lituanie de la fin des années 1980, juste avant la chute du mur de Berlin.
De son côté, le quatrième film d’Alice Winocour accompagne une survivante d’un attentat directement inspiré de ceux qui ont ensanglanté Paris en 2015, un massacre dans un grand café, et son enquête sur les faits et les personnes qui étaient près d’elle à ce moment.
La fin du bloc soviétique et les attentats du 13-Novembre sont évidemment des événements très différents, mais ici c’est la manière dont deux réalisatrices s’y réfèrent pour des propositions de cinéma fort différentes qui fait sens. Et alors même que dans les deux cas on assiste à l’existence du même personnage à deux époques, avec des difficultés à se souvenir et un puissant besoin de recoller les morceaux de son existence.
Le beau trouble de «Walden»
Walden circule de façon libre, donc souvent déroutante, entre un film d’adolescence rebelle et le retour sur les lieux de sa jeunesse d’une femme aujourd’hui installée en France et qui revient en Lituanie où, trente ans plus tôt, elle rêvait d’une autre vie.
Ce rêve est tout vibrant à la fois des élans comme il s’en trouve en tous lieux et à toutes époques au moment de la sortie de l’enfance, et ce que fut la perspective pour les habitants du bloc de l’Est de la fin de cette situation.
Avoir choisi l’actrice française Fabienne Babe, que l’on retrouve avec plaisir sur grand écran après une longue absence, pour incarner au présent la jeune fille qu’on a vue adolescente, jouée par une actrice lituanienne, participe du trouble et de la justesse de ce que propose le film.
Cette personne n’est littéralement plus la même, dans un monde qui n’est lui-même plus le même. Le lieu à demi-mythologique qui donne son titre au film, en reprenant un imaginaire paradisiaque américain et que cherche à retrouver la voyageuse venue de Paris, fait figure de projection qui peine à s’ajuster aux réalités, aujourd’hui comme il y a trente-trois ans.
Le Polonais Jakub (Andrzej Chyra) et la Lituanienne devenue Française Jana (Fabienne Babe), rapprochés par un passé moins commun qu’il n’y paraît. | La Traverse
Le film de Bojena Horackova ne cesse d’étonner et de toucher en louvoyant dans des eaux qu’on croit pourtant balisées, entre le roman d’initiation et le récit nostalgique. Une bonne part de cette énergie et de cette émotion tient à la liberté avec laquelle sont dessinés personnages et situations, parfois seulement de quelques traits, souvent sans que toutes les informations ne soient données.
Entre Vilnius et Paris, entre les langues, entre les codes gestuels et vestimentaires, entre l’amour pour le jeune homme flambeur et l’attirance pour l’homme mûr venu d’un autre ailleurs, similaire et différent, c’est une sorte d’aventure fragile qui se compose et se recompose en permanence.
Dans Walden, les interstices et les demi-explications, les justifications à la fois honnêtes et fragiles, les incertitudes de toute nature comptent autant que les repères historiques et géographiques. Ils donnent au film sa respiration, y compris pour évoquer deux situations complètement différentes mais l’une et l’autre étouffantes.
Les paysages comme les corps et les voix, le rythme des gestes aussi, participent de cet accueil dans la justesse de trajectoires qui ne se résolvent ni ne se définissent entièrement. Et qui traduisent les vérités et les obscurités du monde dans lequel nous existons à présent.
Le codage de «Revoir Paris»
Revoir Paris évoque une autre manière de parcourir un chemin. Prise dans la violence du mitraillage d’un café, Mia est ensuite victime d’un blocage mental qui affecte l’ensemble de ses relations.
Le film accompagne son enquête sur le déroulement de cette soirée tragique pour reconstruire le déroulement des faits et retrouver ceux qu’elle a croisés dans cette situation extrême. (…)