«Les Âmes sœurs», conte des amours désaccordées

David (Benjamin Voisin) et Jeanne (Noémie Merlant), tout ce qui les unit, tout ce qui les sépare.

Le nouveau film d’André Téchiné déploie les harmoniques électriques de la relation entre une sœur qui se souvient et un frère qui croit pouvoir être sans passé.

La déflagration. Tout est en miettes. Le corps, l’esprit, la mémoire. On raccommode des bouts, ce qu’on peut. Lui, David, aide et n’aide pas. Ne veut pas mourir, comme a dit Jeanne, sa sœur. Mais vivre quelle vie?

Elle, Jeanne, avance droit, vers ce qui doit aider son frère à se reconstruire, comme on dit maintenant. Ou, peut-être, elle croit qu’elle avance droit. Lui déplace les morceaux, accepte et refuse, suit des chemins de traverse.

Un passé effacé, est-ce la possibilité de tout inventer? Jusqu’où peut-on se déclarer soi-même innocent, vierge, délié des appartenances et des codes? Du regard et des attentes des autres?

Tendu, le nouveau film d’André Téchiné part d’un choc, pour s’élancer dans une aventure des émotions et des corps. Très vite, il apparaît qu’on ne croit reconnaître des situations et des ressorts dramatiques que pour les trouver en permanence déjoués, réagencés à neuf, à vif.

Il y a des films (qui peuvent être très beaux) qui semblent joués sur un instrument à une corde, et des films-claviers, aux arpèges étendus. Le vingt-quatrième long-métrage d’André Téchiné est ainsi, se déployant à la fois dans plusieurs registres et selon plusieurs tonalités.

Le pouvoir magique des lieux

Un des nombreux talents de Téchiné a toujours été, notamment depuis Rendez-vous, Le Lieu du crime, Les Roseaux sauvages, Les Voleurs, Les Temps qui changentde filmer les lieux non comme des décors mais comme des êtres habités de récits, à la fois matériels et oniriques.

Ainsi, cette fois, le drame s’enrichit de cet univers de moyenne montagne, de forêts et de lacs près des Pyrénées, de la maison rurale où vivait Jeanne et où David l’a rejointe, du château décati habité-hanté par un ermite ronchon friand de travestissement, d’une cabane à l’écart.

Des lieux, la montagne, la route, et des objets, la moto, hantés d’histoires. | Ad Vitam

Ces lieux ne sont pas des personnages, comme on le dit parfois de manière trop rapide, mais des chambres d’écho, des dispositifs d’invocation, comme dotés d’un pouvoir surnaturel.

Autour de Jeanne et David, certains objets mais aussi le châtelain, la maire du village et quelques habitants ont un statut comparable: ils contribuent, chacun selon sa logique propre, à intensifier ce qui s’active entre le frère et la sœur.

Un jeu triangulaire

Puisque c’est là que tout se joue, sarabande très physique et émotionnelle du jeune homme, trajectoire concertée et pas moins émotionnelle de la jeune femme. Tout se joue entre eux deux? Non, bien sûr.

Dans le miroir, aussi celui du film, qui voit quoi? | Ad Vitam

Tout se joue entre eux et le regard, et les attentes des spectateurs. Si Les Âmes sœurs est une aventure intense, c’est aussi et surtout dans les projections que chacun ne peut cesser d’opérer sur ce qui se joue entre eux deux.

Ludique, sensuel, mystérieux, émouvant, cet entrelacs d’affects et de manières de les faire exister pour l’autre s’incarne dans le jeu des deux interprètes, l’un et l’autre sur une corde raide, mais pas la même.

Vibrante finesse

Il y a quelque chose d’à la fois exemplaire et vertigineux dans la façon dont Noémie Merlant comme Benjamin Voisin donnent corps, voix, gestuelle, regard à ces deux manières d’affronter une crise dont les ramifications s’enfoncent au plus intime. (…)

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