«Sabotage», thriller écologiste à l’épreuve des règles du genre

Six membres du commando réuni pour faire sauter un pipeline passent à l’action.

Le film de Daniel Goldhaber met en scène, selon les codes du film de braquage, la préparation d’un attentat par de jeunes activistes défenseurs de l’environnement.

Venus des quatre coins des États-Unis, ou du ranch d’à côté, huit jeunes gens ont convergé vers ce trou perdu dans le désert texan. Le modèle est immédiatement reconnaissable: c’est celui des Sept Samouraïs, ou de la série Mission: impossible: des profils différents, avec des compétences et des motivations diverses, assemblés pour accomplir une tâche particulière.

Sans doute serait-il plus juste de convoquer comme référence la franchise Ocean’s Eleven, puisque l’équipe ainsi constituée a pour objectif de commettre un acte illégal: faire sauter un pipeline. Celui-ci est leur cible, à la fois comme symbole de l’addiction généralisée aux énergies fossiles et comme responsable direct de destructions et d’expulsions locales.

Une part importante du film est consacrée à la préparation de l’attentat, puis au déroulement de son exécution, émaillée de multiples rebondissements. Mais, récit d’une aventure, Sabotage fait aussi place aux réflexions et aux débats qui animent ses personnages, à leurs raisons d’agir et à leurs arguments.

Un double enjeu

Se revendiquant de l’esprit, sinon de la lettre, de l’essai d’Andreas Malm Comment saboter un pipeline, le jeune réalisateur américain Daniel Goldhaber mobilise donc explicitement les codes du film de braquage dans ce contexte très particulier, avec un double enjeu.

Le premier est évidemment de tirer parti des effets de suspense du genre, et de transformer en thriller efficace ce plaidoyer pour que la résistance à la destruction de l’environnement ait éventuellement recours à des actes violents.

L’usage d’explosifs, plus encore peut-être le fait de rompre le tabou fondateur de la propriété privée, sont en effet des actes qu’on peut qualifier de violents, y compris en ne cessant de rappeler qu’à aucun moment il n’est question de tuer ou de blesser qui que ce soit. Ce qui fait une certaine différence avec le sens usuel, jusqu’à une date récente, du mot «terroriste»[1].

Le second enjeu de cet assemblage d’individus différents entre eux, même s’ils appartiennent pratiquement tous à la même génération (un seul, le fermier, est un peu plus âgé), concerne les motivations des protagonistes. Une part essentielle du film est ainsi consacrée aux parcours qui mènent ces jeunes gens au passage à l’acte collectif.

Là se situe la limite du dispositif narratif adopté par le cinéaste: les besoins du genre, qui assure le côté spectaculaire de Sabotage, et potentiellement sa capacité à attirer un public relativement large (encore qu’on doute qu’une sortie le 26 juillet soit à cet égard le meilleur moyen), fragilisent la proposition politique dont il est porteur.

Et cela est vrai quelle que soit l’opinion de chacune et chacun à propos du passage à l’acte lui-même. Le scénario dispose que les parcours individuels des huit protagonistes sont marqués par des drames et des traumatismes personnels. Ces drames et ces traumatismes sont dès lors supposés légitimer l’action radicale illégale.

Ces parcours individuels justifient –ou souhaitent justifier– la décision d’agir au-delà du pacifisme revendiqué, qui est aujourd’hui l’attitude de la quasi-totalité des activistes de l’écologie. Ce qui n’empêche pas du tout que ceux-ci se fassent traiter d’écoterroristes, et soient régulièrement réprimés de manière ultraviolente, aux États-Unis aussi.

Dans le film, cette justification par les trajectoires personnelles est à double détente. (…)

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