Simon (Denis Podalydès), réalisateur au cœur de multiples conflits.
La nouvelle réalisation de Cédric Kahn raconte avec émotion les forces qui interfèrent dans la fabrication d’un film, de manière nuancée mais étrangement partielle.
Il faut se défier du sous-titre, qui sert aussi de slogan publicitaire à la sortie de Making of, «Bienvenue dans le monde merveilleux du cinéma». Se défier de son ton ironique, plus encore au moment où l’affaire Depardieu, la nécessaire et salutaire affaire Depardieu, a aussi été l’occasion de simplifications populistes à propos du soi-disant «monde du cinéma».
Alors que l’ironie et le simplisme, c’est précisément ce que ne fait pas le nouveau film de Cédric Kahn en mettant en scène de manière vivante et nuancée la manière dont se font les films, ou plutôt dont des films (pas tous, ceux qu’on a appelé les «films du milieu»), se font en France. Ce qui ne lui permet pas, pourtant, d’éviter un écueil majeur.
Action, hors-champ et contrechamp
Ça a commencé par une grande scène d’action sous la pluie, montrant une opération commando d’ouvriers récupérant l’accès à leur usine pour empêcher le déménagement des machines, avec affrontement musclé.
Et puis le hors-champ de cette scène, c’est-à-dire le tournage de ladite scène destinée à être un temps fort du film qu’essaie de réaliser Simon, le cinéaste consacré joué par Denis Podalydès. Mais le pauvre Simon se débat au milieu des difficultés matérielles (producteur marlou, financiers intrusifs), professionnelles (rivalités entre ses acteurs vedettes) et affectives (rupture avec sa femme).
Et enfin le contrechamp de cette situation, qu’enregistre avec gourmandise et dévotion Joseph, jeune gars du coin, cinéphile embauché pour le, donc, making of.
Trois points de vue, trois formats d’images, trois tonalités. À la circulation entre ces manières de voir et de montrer, qui sont aussi trois situations de travail (les ouvriers du film dans le film qui, pour la plupart, sont joués par de véritables ouvriers récemment licenciés, l’équipe de tournage, le jeune qui veut accomplir son rêve), répondent une multiplicité de micro-situations dans lesquelles elles interfèrent, se coalisent ou s’affrontent.

Devant la caméra de Joseph (Stefan Crepon), en charge du making of, conflit entre un machiniste (Antoine Berry Roger) et la vedette (Jonathan Cohen). | Ad Vitam
Making of aborde ainsi de multiples thèmes: le rapport entre réel et représentation, entre pratique artistique et contraintes sociales, entre projet d’un auteur et entreprise collective, entre travail ouvrier et emploi dans le secteur culturel, etc. Sa vitalité tient à ce qu’il circule entre ces motifs avec suffisamment d’énergie et de souplesse.
Qu’implique de faire rejouer à des ouvriers virés de leur boîte l’histoire de leur lutte? Comment donner à percevoir la naïveté et la beauté du désir d’un jeune homme de faire des films? Quelles sont les similitudes et les différences entre un conflit dans une entreprise et un conflit sur un tournage? Ces questions émettent des signaux –émotionnels, politiques, réflexifs–, qui se répondent et, sans se confondre, créent une dynamique commune. (…)