Construit sur l’affrontement entre une femme seule et une communauté du sud des États-Unis, le film de Martin McDonagh dépasse avec brio le pur thriller.
Le feu. Bien avant les flammes qui viendront embraser l’écran, le film se place d’emblée sous le signe du feu.
Elle brûle, elle brûle de rage cette femme qui débarque dans la petite ville du Sud profond. Elle se consume de fureur contre ce qu’a subi sa fille, violée et tuée. Contre l’inaction ou l’impuissance de la police.
C’est contre elle, et plus précisément son patron, le shérif Willoughby, que Mildred met en place à l’entrée d’Ebbing trois immenses panneaux d’affichage dénonçant la situation.
Ce feu est aussi celui qui couve dans cette société apparemment paisible, mais où le racisme, la violence policière, la fascination des armes ou le machisme définissent la mentalité collective de l’Amérique profonde.
Sans apparaître, les torches du Ku Klux Klan ne sont pas loin, dans cette bourgade au nom fictif que le titre original ne situe pas par hasard dans le Missouri.
Une héroïne qui défie les canons des personnages féminins
Le réalisateur Martin McDonagh mène tambour battant la montée en tension de l’affrontement qui s’organise entre la mère vengeresse et les autorités où, plus que le shériff, l’adjoint brutal et raciste tient l’emploi de l’ennemi désigné.
Selon la tradition du cinéma américain, la «communauté» commente la situation et se distribue entre les différentes attitudes que peut susciter ce conflit.
Celui-ci trouve son énergie autant dans l’apparent potentiel illimité de brutalité, plus proche des films d’horreur que d’une évocation réaliste, que dans la posture déterminée de l’héroïne campée par Frances McDormand, souveraine.
La vigueur et la rigidité de son personnage pris dans une spirale de fureur défient les canons d’un personnage féminin classique, circulant allègrement entre affirmation de soi et exagération proche du délire.
Serait-il uniquement cela que 3 Billboards rejoindrait avec honneur la liste des petits thrillers tendus et efficaces qui jalonnent l’histoire d’Hollywood.
Mais il est autre chose. Autre chose de particulièrement digne d’intérêt par les temps qui courent. (…)