Cannes 2024, jour 4: «Bird», «Diamant brut», «Furiosa», «Vingt Dieux», rages adolescentes

Totone (Clément Favreau) et Claire (Lucas Garret) dans «Vingt Dieux» de Louise Courvoisier

Les films d’Andrea Arnold et de Louise Courvoisier inventent d’impressionnants personnages adolescents portés par une fureur de vivre qui irradie l’écran. De manière moins convaincante, cette tension est aussi au centre du blockbuster de George Miller comme du premier film d’Agathe Riedinger.

Fille ou garçon, dans les cités, à la campagne ou dans un désert de science fiction, des figures d’adolescent(e)s habitées d’une rage d’exister et prêtes à tout pour s’inventer au moins une survie ont dessiné des pointillés inégaux mais significatifs à travers les sélections du début de festival. Avec, au passage, la présence plus que remarquable de trois réalisatrices.

«Bird» d’Andrea Arnold (Compétition officielle)

Désormais valeur sûre du cinéma d’auteur (et, donc, d’autrice) européen, la Britannique Andrea Arnold impose séquence après séquence à la fois une véritable héroïne de cinéma, Bailey, et une manière bien à elle de raconter son histoire.

Bailey (Nikiya Adams) lors d’un rare moment d’abandon, dans Bird d’Andrea Arnold. | Ad Vitam

Au son tonitruant du hard rock et des exubérances violentes des voix qui répondent à l’agressivité des tatouages et des gestuelles dans les cités déshéritées, entre terrain vague, squat et immeubles pourris, il n’y a pas vraiment de sens à être une fille de 12 ans.

C’est bien ainsi que le vit Bailey, qui affirme une maturité et une combattivité aussi inépuisables qu’intraitables, face à son père infantile et possessif qui va se marier, à son demi-frère dont la copine de 14 ans est enceinte, aux mecs qui trainent, friment ou menacent.

Pourtant quelque chose d’autre va se frayer un chemin, qui ne change pas Bailey mais la rend plus forte et plus complexe, lorsqu’elle croise en plein champ le curieux type qui dit s’appeler Bird. Et qui, de fait, semble passer l’essentiel de son temps perché sur les toits.

Mais dans Bird, le film, il n’y a pas une histoire mais six ou sept, il n’y a pas un univers (social et adolescent) mais une multiplicité de rapports au monde, de l’onirisme délirant au réalisme ras du bitume.

La manière dont, avec ses multiples protagonistes pas tous humains (les oiseaux, les chevaux, les chiens et d’autres encore ont un rôle à eux dans l’affaire), la cinéaste de Fish Tank et d’American Honey circule entre ces lignes de récits poétiques, brutales, joueuses, raides dingues, affectueuses, voilà la véritable merveille du film.

Elle fait que celui-ci, au-delà de ses personnages pourtant de plus en plus attachants, devient un sorte de conte épique à la fois très contemporain et mythologique, porté par un élan de mise en scène d’une rare puissance et d’une grande délicatesse.

«Diamant brut» d’Agathe Riedinger (Compétition officielle)

La proximité avec le film d’Andrea Arnold de ce premier long métrage lui aussi centré sur une jeune fille prête à tout pour ne pas subir le déterminisme du monde misérable où elle est née, en l’occurrence du côté de Fréjus, ne rend pas service au film d’Agathe Riedinger.

Et il est vrai que si on retrouve dans Diamant brut une énergie rageuse comparable à celle de Bailey, la situation de Liane, fascinée par les réseaux sociaux et entièrement vouée à son rêve d’être choisie par un casting de téléréalité peine à créer un lien entre le personnage et qui la regarde.

Liane (Malou Khebizi), corps trafiqué et accessoires douloureux, fascinée par son image dans Diamant brut d’Agathe Riedinger. | Pyramide Distribution

Les ravages physiques et mentaux de l’univers frelaté auquel elle adhère corps et âme sont omniprésents sans ouvrir vers aucune dynamique, tandis qu’autour de Liane se déchaine un rodéo d’affects, d’injonctions, de modèles et contre modèles de comportements.

Plus que le sort de la jeune fille, finalement scellé par un coup de force scénaristique qui aurait pu aussi bien être à l’opposé, c’est d’ailleurs cette palette aussi sinistre que contrastée de ce qui se présente à une jeune femme pauvre dans la France d’aujourd’hui –pour le dire sans détour, le choix entre de la merde et de la merde– qui est le véritable matériau d’un film aux promesses seulement en partie tenues. (…)

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