Willem Dafoe interprète Tommaso, qui s’inspire de Ferrara: un personnage est né. | Via Capricci
Le nouveau film d’Abel Ferrara invente le récit réaliste et imaginaire du quotidien de son auteur à Rome, grâce à une sensibilité à fleur de peau et à l’interprétation exceptionnelle de Willem Dafoe.
Parmi toutes les âneries qui circulent à propos du cinéma, l’une des plus insistantes est une fausse citation attribuée selon les cas à Fritz Lang, à Orson Welles, à Jean Renoir ou à Steven Spielberg, selon laquelle «pour faire un bon film, il faut trois choses: une bonne histoire, une bonne histoire et une bonne histoire».
C’est complètement faux, et Tommaso vient après tant d’autres en témoigner, mais avec un éclat particulier. D’histoire, il n’y en a guère dans ce film. En lieu et place, il y a… la vie –en l’occurrence, la vie de son réalisateur, Abel Ferrara, à Rome.
Pas sa vraie vie, si tant est que cela signifie quelque chose, mais un film tout entier nourri des moments, des lieux, des relations, des lumières et des espaces où il existe, où il travaille, où il aime et se dispute et se perd –souvent– et se retrouve –parfois.
Une construction appelée mise en scène
Tommaso n’est pas une autofiction, c’est plus et autre chose: l’affirmation crâne que les moments les plus quotidiens sont riches de toutes les aventures, de toutes les émotions, pour peu qu’on sache les filmer.
Il s’agit à vrai dire d’une idée qui traverse l’histoire du cinéma depuis ses origines, et dont le néoréalisme italien a offert l’horizon le plus visible: l’essentiel se joue dans le regard sur les êtres et les choses.
La beauté est là, l’intelligence du monde est là, encore faut-il construire les possibilités pour chaque spectateur ou spectatrice d’y accéder. Cette construction s’appelle mise en scène.
Tommaso (Willem Dafoe) et sa femme Nikki (Cristina Chiriac), un après-midi au parc. | Via Capricci
L’épouse de Tommaso, Nikki, est jouée par la femme de Ferrara, l’actrice Cristina Chiriac, et la petite fille du couple, Deedee, est jouée par leur fille, Anna Ferrara. Mais ce sont des personnages de cinéma, avec des noms et des actions différentes, même si habités par leur existence dans la réalité.
Tommaso, lui, n’est pas joué par Abel Ferrara mais par Willem Dafoe. Entre eux deux, il passe ce tourbillon qui circule entre fiction et documentaire, cette énergie trouble et jamais prévisible que renforce ici cette évidence: Willem Dafoe est, oui, un acteur génial.(…)