Inspiré de faits réels datant d’il y a près de cinquante ans, le nouveau film de Steven Spielberg est un vibrant éloge de la liberté de la presse et de l’égalité des sexes qui se veut pamphlet anti-Trump, sans prendre en compte tout ce que la situation contemporaine a de singulier.
Dans quel musée, ou dans quel pays du tiers-monde Steven Spielberg est-il allé dénicher la magnifique rotative sur laquelle s’imprime l’édition du 18 juin 1971 du Washington Post avec en «Une » les révélations sur les mensonges officiels concernant la guerre au Viêt Nam?
On sait du moins où il a trouvé la manière de filmer cette rotative, et de montrer ensuite les camions qui se répandent dans les rues, diffusant par gros paquets les informations qui matérialisent la démocratie américaine grâce à l’exercice de la liberté de la presse: dans les films classiques hollywoodiens chez lesquels ces images furent un archétype visuel et dramatique.
D’ailleurs, revoici Katharine Hepburn et James Stewart, ils ont pris les traits de Meryl Streep et de Tom Hanks.
Une réponse dans l’urgence
Réagissant au quart de tour à l’arrivée au pouvoir de Donald Trump et à son utilisation manipulatrice de l’information comme à ses tentatives de bâillonner les enquêtes indépendantes des grands médias, Spielberg a bouleversé son plan de travail (consacré au film de science fiction Ready Player One) pour tourner et sortir à toute vitesse Pentagon Papers.
Le film s’inspire, comme on sait, de l’histoire réelle des documents secrets révélés grâce à un analyste de l’armée américaine, Daniel Ellsberg, et diffusés par le New York Times, puis, après que le président Nixon ait fait bloquer la parution par un juge, par le Washington Post, et repris ensuite, face aux pouvoirs exécutifs et judiciaires coalisés, par de nombreux titres de presse
Ces révélations, portant sur les mensonges systématiques du pouvoir sous les présidences Truman, Eisenhower, Kennedy, Johnson et Nixon, ont rendu encore plus impopulaire la guerre au Viêt Nam, et préparé le terrain à l’éviction du 37e président des États-Unis suite à l’affaire du Watergate, dans laquelle la presse a également joué un rôle majeur.
Une femme aux commandes
Co-signé par Liz Hannah et Josh Singer (auquel on devait déjà le script de l’oscarisé Spotlight, sur la révélation par le Boston Globe des pratiques pédophiles dans l’église catholique aux États-Unis), Pentagon Papers fait aussi place à un autre enjeu démocratique en phase avec l’actualité: la place des femmes dans la société.
Katharine Graham (Meryl Streep), la patrone du Washington Post, cernée par des hommes qui essaient de lui dicter leurs choix.
Alors qu’un concours de circonstances vient de porter à la tête du quotidien le plus réputé de la capitale américaine une femme, et une femme qui n’avait aucune vocation à occuper ce poste, scénario et mise en scène décrivent sa capacité à s’affirmer dans un monde encore bien plus absolument dominé par les hommes qu’il ne l’est aujourd’hui, notamment dans les univers de la finance, de la politique et de la presse.
Ajoutons l’incontestable maestria spielbergienne, et une interprétation au cordeau où, comme souvent, émerge l’impressionnant talent de Meryl Streep, et voici une incontestable, une imparable réussite de cinéma, au service de toutes les excellentes causes possibles –excellentes causes, empressons-nous de le dire, auxquelles adhère sans réserve l’auteur de ces lignes.
Richard Nixon exigeant l’interdiction des grands journaux
À bas Trump, reconnaissable sans mal sous la silhouette de Nixon insultant au téléphone les journalistes et exigeant qu’on ait la peau de quiconque s’oppose à lui. Vive la liberté de la presse. Vive l’égalité entre les humains sans considération de sexe. Yep. Vive la démocratie, non mais des fois!
Une limousine politico-moralo-cinématographique
Dans le confort absolu de cette sorte de limousine politico-moralo-cinématographique qu’est Pentagon Papers, arrive pourtant le moment où on se demande tout de même s’il n’y a pas là une facilité de pensée, de narration, de représentation, qui ferait la limite de l’entreprise. (…)
Bonjour,
Je dirais que ce film est à voir et même à revoir. Un excellent film avec des acteurs de qualité qui habitent parfaitement leurs rôles. Plusieurs sujets traités : la place de la femme, la liberté de la presse, la presse vue de l’intérieur et ses pressions, la séparation de l’état avec la presse…. bref ce film tombe vraiment au bon moment.
J’ai juste adoré découvrir cette partie de l’histoire américaine et de la presse.
Chapeau pour la réalisation bien évidemment.
Jessica
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Bonjour, c’est au moins la troisième fois, après Lincoln et Le Pont des espions, que Spielberg se réfère au passé pour parler du présent. Cela limite peut-être le champ ou l’intérêt de l’entreprise comme vous le dites, mais cela témoigne en tout cas d’une certaine suite dans les idées, d’une méthode qui considère l’histoire sous l’angle de son rapport au présent. Et il n’est pas sûr que réaliser un film sur Trump se passant aujourd’hui aurait permis le recul et la distance nécessaires pour traiter le sujet clairement, même si cela aurait été plus courageux ou moins confortable. Cela dit, c’est surtout la mise en scène qui est intéressante dans ce film.
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