Adaptant le livre de Marguerite Duras, Emmanuel Finkiel, accompagné d’interprètes remarquables, réinvente cette histoire d’amour et de souffrance, de passion et de trouble sur fond d’événements historiques tragiques.
Il faut commencer par un aveu. Non seulement je tiens Marguerite Duras pour le plus grand écrivain français de la deuxième moitié du XXe siècle, mais La Douleur est à mes yeux un des plus beaux textes jamais publiés. Donc jamais au grand jamais à adapter au cinéma.
Donc? Pourquoi donc? Parce que ce qui s’est passé entre les mots imprimés et un lecteur (moi par exemple) ne saurait être impunément parasité par quoi que ce soit.
Assister à la projection du film d’Emmanuel Finkiel était dès lors de l’ordre du devoir professionnel, de l’épreuve intime annoncée, et de la cause entendue. C’était impossible d’aimer ce que j’allais voir, et voilà tout.
Sauf que…
Rien ne s’impose ni ne va de soi. Mélanie Thierry ne ressemble pas à Duras, et le cinéaste n’a pas trouvé de formule magique, de dispositif de mise en scène si original, ou encore de geste artistique si impressionnant qu’on accepterait d’être submergé.
Ce sont simplement des plans, des situations, des mots. Et jamais ils ne sonnent faux, jamais ils n’insistent quand il faut glisser, jamais ils essaient de jouer au plus fin, ni avec les événements historiques qu’ils évoquent (Paris occupé, la Résistance, le mari déporté, la Libération qui approche), ni avec l’œuvre littéraire ou la figure de l’écrivain célèbre qui l’a signé.
«Du lourd», comme on dit. Et voilà que, précisément, rien n’est lourd.
Le gouffre de l’attente
La Douleur, film d’Emmanuel Finkiel sorti en 2018, est bien différent de La Douleur, livre de Marguerite Duras paru en 1985 chez P.O.L –même s’il «raconte la même histoire», selon la formule consacrée par la médiocrité. (…)