Tel le vaisseau fantôme où se situe la plus grande part de son tortueux récit, le nouveau film de F. J. Ossang dérive de film noir en fantastique, d’hypnose visuelle en chant funèbre.
Qui connaît l’œuvre singulière de F. J. Ossang en retrouvera sans surprise les principaux signes: le noir et blanc expressionniste, la musique punk rock, un sens du fantastique hanté par la mémoire de Fantômas et du cinéma noir américain. Un cocktail très particulier d’énergie et d’élégance, de révolte et de mélancolie, où l’humour n’est jamais loin.
Qui découvrira cet univers a de bonnes chances d’être séduit par son romanesque échevelé, sa liberté d’écriture en images et en sons, la noblesse lasse mais intraitable des figures (inséparablement personnages et interprètes) qui y apparaissent.
Septième continent et septième art
Il y aurait un groupe d’activistes au service d’une cause obscure, sinon oubliée (y compris d’eux-mêmes), mais détenteurs d’une arme terrifiante. Sous les signes de Jules Verne et de Boris Vian, il y aurait un trafic mortel, des gangs, une dictature aussi omniprésente qu’évanescente. Des morts.
Il y aurait un navire, vaisseau fantôme ou cercueil flottant, un docteur aux inquiétantes potions, des marins assassins, des histoires de séductions et de trahisons en cascade. Et ce septième continent de déchets autour duquel tout gravite peut-être déjà, Éden post-apocalyptique ou enfer ultime.
Le riff de guitare électrique saturée a souvent pu faire modèle pour les films d’Ossang. Ici ce serait plutôt une mélopée, une incantation funèbre. Malgré la course-poursuite très Troisième Homme du début, malgré le MacGuffin irradiant très En quatrième vitesse, l’humeur est plutôt à la dérive qu’à la cavale.
Le danger ici, ce ne sont pas forcément les ennemis, innombrables, invisibles, mortels (c’est bien le moins). Les ennemis sont plutôt des alliés. Avec eux il y a quelque chose à faire: se battre, raconter une histoire, gagner et perdre.
La véritable menace est plutôt l’enlisement, une hypnose du quotidien qui devient une narcose. (…)