Après la présentation des derniers films sélectionnés au Festival, vue d’ensemble sur certaines tendances – famille et communauté, chiens et autres animaux, musique et danse – d’une édition globalement réussi.
Photo: Le Poirier sauvage de Nuri Bilge Celan
La compétition officielle cannoise aura marqué une certaine baisse de régime dans la dernière ligne droite, avant de s’achever avec Le Poirier sauvage de Nuri Bilge Celan.
Le Poirier sauvage de Nuri Bilge Celan
Radicalisant la veine de Winter Sleep qui lui a valu une Palme d’or discutable en 2014, le cinéaste turc aligne durant plus de trois heures des discussions à deux ou à trois sur l’amour, la famille, la religion, la jeunesse, l’art, le passage du temps…
Avec l’aide d’acteurs remarquables, il prend grand soin de désactiver tout affect, s’éloignant ainsi d’autres exemples de cinéma de dialogue: on n’y retrouve ni la sensualité et le caractère ludique de Rohmer, ni l’érotisme, la tendresse et la cruauté de Hong Sang-soo.
En attendant le palmarès
Comme il est d’usage, les pronostics et supputations vont bon train sur la Croisette en attendant le verdict du jury présidé par Cate Blanchett.
On se contentera ici d’espérer qe ce jury privilégiera les qualités de mise en scène sur les «messages». Et on rappellera que, fait rare, pas moins de huit films peuvent –à mes yeux– prétendre à bon droit à la Palme d’or: Les Éternels de Jia Zhang-ke, Leto (L’Été) de Sergei Serrebrennikov, Heureux comme Lazzaro d’Alice Rohrwacher, Trois Visages de Jafar Panahi, Le Livre d’image de Jean-Luc Godard, Plaire, aimer et courir vite de Christophe Honoré, Une affaire de famille de Hirokazu Kore-eda, Burning de Lee Chang-dong.
C’est considérable, et la la diversité des origines (Chine, Russie, Italie, Iran, Suisse, France, Japon, Corée du Sud) comme des styles est tout aussi réjouissante, signant la réussite de l’édition 2018 du Festival, en tout cas pour sa sélection princeps.
Au sein de ce festival, il est d’ores et déjà possible de repérer quelques traits dominants parmi les films vus sur la Croisette, toutes sélections confondues (et sans aucune prétention à l’exhaustivité).
Familles subies, désirées, construites
Dans Les Éternels, Jia Zhang-ke suit la résilience opiniâtre d’un couple et du maintien des règles de la communauté dans un maelströmt de mutations et de trahisons. Heureux comme Lazzaro d’Alice Rohrwacher montre successivement deux états, archaïque et moderne, d’une communauté de marginaux, famiglia au sens étendu, et problématique.
La famille, ou la tribu, de Heureux comme Lazzaro
Une affaire de famille de Kore-eda entièrement centré sur la légitimité d’une famille bâtie sur les liens de l’affection et de la solidarité plutôt que sur ceux du sang, Capharnaüm de Nadine Labaki qui oppose une famille légale mais invivable à la fragile tentative d’existence d’une famille née de la nécessité. Il fait partie des histoires où figurent des enfants abandonnés, comme c’est également le cas dans Ayka, le film russe du kazakh Sergei Dvortsevoy.
Mais aussi, dans les autres sélections, Mon tissu préféré de la Syrienne Gaya Jiji montre la famille comme carcan aux rêves et fantasmes de chacun(e). In my Room de l’allemand Ulrich Kohler s’ouvre sur la mort de la mère, à quoi succède celle de la quasi-totalité de l’humanité, avant que ne s’esquisse la possible réinvention d’une cellule familiale. (…)