©JM Frodon
Cinéaste, artiste visuelle toujours inventive, elle aura incarné à la fois la modernité de la Nouvelle Vague, l’élan féministe et une idée à la fois rigoureuse et joyeuse de l’indépendance.
Non non, cela doit être une erreur. Elle avait 90 ans, Agnès Varda, elle était malade depuis un bout de temps, cela ne change rien. Agnès, la mort te va si mal.
Pourtant elle n’avait rien d’une immortelle, d’une déesse de l’Olympe –tout le contraire, et c’est ce qui était si vivant, vivace, volontaire et vigoureux et va-t-en chemins nouveaux, toujours. Mais pas ce chemin-là, tellement banal et sombre.
Elle a toujours été comme ça, la Varda. Petit bout de jeune femme débarquée de son Ixelles d’enfance, elle embarque à la hussarde dans l’aventure naissante du théâtre selon Jean Vilar. C’est l’après-guerre, la culture est une ligne de front pour conquérir un avenir meilleur pour tous, Vilar comme ses amis déjà, Alain Resnais, Chris Marker, sont aux avant-postes de ce combat-là. La gauche, ça voulait dire quelque chose pour Agnès Varda, et cela ne changera pas.
Elle monte à bord de l’impétueux rafiot du Festival d’Avignon juste après sa création en 1947, bientôt du beau navire de Chaillot, avec le rang de photographe attitrée des aventures de cette troupe qui va révolutionner le théâtre en France.
Quand elle ne photographie pas Gérard Philippe en scène, elle capture avec affection et sourire les visages de ses voisines anonymes. Elle a étudié la photo aux Beaux-Arts, elle a surtout un œil déjà d’une acuité fulrgurante. 70 ans plus tard, les images d’alors en témoignent toujours.
Au TNP, elle se lie avec deux jeunes acteurs, Philippe Noiret et Sylvia Monfort, les entraine dans la ville où elle a passé ses vacances d’enfant et d’adolescente, Sète. Elle qui ne sait rien de la réalisation a décidé de faire un film. Elle sera, elle est cinéaste, Agnès, puisqu’elle l’a décidé. C’est peu dire que la suite confirmera.
Pour ce premier film, elle a une idée –autant que de films, de photos, d’expositions, elle aura été toute sa vie une extraordinaire productrice d’idées. Une idée venue de la littérature, rien d’étonnant chez cette insatiable lectrice, virtuose du jeu avec les mots (il faut lire son ébouriffante autobiographie, Varda par Agnès, éditions Cahiers du cinéma), tout autant qu’impénitente coureuse de galeries et de musées. L’idée, donc, vient des Palmiers sauvages de William Faulkner, où d’un chapitre à l’autre alternent deux histoires distinctes.
Inventer la Nouvelle Vague
Inventant, bricolant, pestant, séduisant, elle fabrique à l’énergie La Pointe courte. Deux films en un donc, un qui raconte le dernier été d’un couple qui va se séparer, l’autre qui montre la vie du village de pêcheurs, quartier de Sète qui donne son titre au film.
Sylvia Montfort et Philippe Noiret dans « La Pointe courte » | Ciné-Tamaris
Soit, d’emblée, une des lignes de force de tout son travail à venir, la circulation dynamique entre fiction et documentaire. Le tournage a eu lieu à l’été 1954, à l’automne Alain Resnais s’occupe du montage. Au printemps, le film est à Cannes –pas sélectionné par le Festival, mais montré à cette occasion dans une salle de la ville.
Certains ne s’y trompent pas, à commencer par André Bazin, le fondateur et rédacteur en chef des Cahiers du cinéma: le film est d’une liberté solaire, d’une modernité sensuelle et audacieuse, sans rien qui tienne ses spectateurs à distance.
Voilà, c’est ça: 4 ans avant Les 400 Coups et Hiroshima mon amour, elle a inventé la Nouvelle Vague.
Une femme aux commandes
Elle ? Une femme, dans le cinéma français, dans le cinéma tout court? Même si ce n’est pas absolument inédit –en France quelques grands noms la précèdent, Alice Guy, Germaine Dulac, Nicole Védrès– cela reste, et restera encore près de 20 ans, une exception. (…)
Oui, c’est bien elle. Merci Jean-Michel
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