L’irrévérencieuse vitalité d’«À propos de Joan»

Joan (Isabelle Huppert) en ligne avec l’un des hommes de sa vie, mais aussi son passé, et son imaginaire.

Propulsé par la présence frémissante d’Isabelle Huppert, le film de Laurent Larivière compose en trois temps un portrait de femme habitée d’une pulsion de vie communicative.

Ce n’est plus la désormais habituelle déferlante qui s’abat chaque mercredi sur les salles, au grand désavantage de celles-ci et des films (et des spectateurs, et du cinéma), c’est un tsunami. Ce mercredi 14 septembre, pas moins de 21 nouveaux films sont sortis sur les écrans français.

Parmi eux, outre deux propositions réellement singulières quant à la relation à la réalité, à l’imaginaire et au temps présent, œuvres importantes menacées de marginalisation, Babi Yar. Contexte de Sergei Loznitsa, et À vendredi, Robinson de Mitra Farahani, on trouve tout l’éventail des films plutôt dits de distraction (français) ou d’auteur (portugais, français, roumain, argentin, deux ukrainiens…), sans oublier un assortiment de documentaires, un film d’horreur américain, une comédie britannique, un film d’animation.

Au milieu de ce tout-venant démultiplié par l’absence cette semaine d’un blockbuster hollywoodien –rien en vue de ce côté avant octobre, la romcom Ticket to Paradise et le film de super-héros Black Adam– apparaît un film inattendu, par sa tonalité et une sorte de vaillance dans sa manière d’être toujours un cran au-dessus, ou à côté, de ce que promettait son pitch ou la catégorie dont il paraissait relever.

Entre mystère et clin d’œil, les plans d’ouverture d’À propos de Joan, où Isabelle Huppert conduisant s’adresse frontalement à la caméra comme Belmondo dans À bout de souffle, dessinent un territoire, un peu transgressif, un peu héritier d’une histoire du cinéma moderne. Habité de présences incertaines et de fantômes accueillants, le deuxième long métrage de Laurent Larivière évoque une marelle pour jouer et se déplacer.

Les cases de cette marelle sont temporelles, le film circulant entre trois époques de la vie de Joan, adolescente amoureuse en Irlande, éditrice à succès accompagnant un génie littéraire ostensiblement destroy et fréquentant la scène rock alternative à Berlin, et enfin femme mûre réfugiée dans une vieille maison de famille dans la campagne française.

La jeune Joan (Freya Mavor) et son amoureux pickpocket irlandais (Eanna Hardwicke). | Haut et court

Ces sauts, qui sont plutôt des pas glissés, ne sont pas seulement entre les époques, mais tout autant dans l’humeur qui préside à chaque situation, lors des rencontres du personnage principal (Freya Mavor pour la jeune fille, Isabelle Huppert aux deux autres âges) avec les trois figures masculines qui ont marqué sa vie: son amour de jeunesse, son fils Nathan, l’écrivain allemand.

Échos et spiritisme

Ces trois mentions pourraient à bon droit éveiller dans une oreille attentive des échos avec le cinéma d’Arnaud Desplechin, qui est sans doute la référence la plus évidente de l’esprit qui guide le cheminement du film, au-delà de citations explicites comme celle du Pickpocket de Robert Bresson, ou surtout de la récurrence de ce motif majeur du cinéma français qu’est la maison de famille –et ce qu’il convient d’en faire.

À propos de Joan est construit sur un scénario subtil, interprété par des acteurs excellents (Swann Arlaud, Lars Eidinger) et une actrice dont on ne sait plus comment dire encore qu’elle a du génie, Isabelle Huppert. Tout cela ne suffit pas, n’a jamais suffit à faire un bon film.

Joan qui tente de contrôler Tim, l’écrivain punk (Lars Eidinger), tout en étant séduite par lui. | Haut et court

On ne sait pas ce que c’est, «un bon film», on peut juste prendre acte quand cela se présente. Dans ce cas, cela tient pour beaucoup à un singulier phénomène de redoublement, aux franges du spiritisme: redoublement de la manière dont À propos de Joan est mis en scène et de la manière d’être de la femme dont il raconte l’histoire. Un film qui ressemble à son personnage principal, donc. (…)

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