Dramatique et émouvant, le nouveau documentaire de Raymond Depardon met en évidence les limites d’un dispositif généreux où les internés psychiatriques sont face à face à un juge et à la parole médicale.
12 jours semble s’inscrire naturellement dans la veine principale du travail documentaire au long cours de Raymond Depardon.
Comme il l’a souvent fait, le cinéaste s’installe au cœur d’un dispositif. Avec ce talent très particulier pour devenir quasi-invisible, il enregistre ce qui s’y joue: des mots, des gestes, des rapports de pouvoir, de séduction.
Les situations ainsi filmées acquièrent à la fois une dimension très personnelle, très incarnée, et une valeur significative plus vaste, concernant un contexte (la médecine psychiatrique, la justice, le monde paysan, le quotidien des villes de la province française), voire un état de la société dans son ensemble tel qu’il transparait à travers ces dispositifs situés.
Comme dans Urgence, Délits Flagrants, 10e chambre, Profils paysans ou Les Habitants, le nouveau film s’ouvre par un mouvement de caméra en avant qui montre qu’un parcours a été accompli par le réalisateur, qu’il est «allé voir», qu’un artifice de cinéma participe de ce qui n’est jamais un « donné », mais un « construit ». Honnêteté minimum mais loin d’être générale, dynamique du regard revendiquée et partagée.
Ensuite, les différentes scènes qui constituient le sujet du film seront scandées par d’autres plans « d’ambiance », qui eux aussi aident à inscrire une situation menacée d’abstraction dans un environnement matériel, fait de salles de soins, de grillages, d’espaces verts. Ce que nous allons voir est « dans le monde ».
La loi fait la scène
Cette fois, on parcourt donc les couloirs du service psychiatrique d’un hôpital (celui du Vinatier, à Lyon, mais ce pourrait être ailleurs) après le carton qui a explicité le dispositif particulier qui sera filmé : suite à la loi du 27 septembre 2013, tout interné du fait d’une décision d’un tiers, sans consentement du patient, doit être présenté dans un délai de 12 jours à un juge des libertés et de la détention (JLD), en étant assisté d’un avocat, pour examiner le bien-fondé de son hospitalisation et la prolongation de celui-ci.
Le juge dispose de l’avis motivé du psychiatre pour la décision à prendre, qui est semble-t-il dans ces cas toujours le maintien en HP de la personne internée. Mais aucun représentant du corps médical n’est présent.
Extraordinaire scénographie, qui met face à face un juge de fait porteur de deux discours d’autorité, celui du droit et celui de la médecine, face à un patient par hypothèse en situation de fragilité, assisté d’un soutien qui ne connaît rien à la psychiatrie ni au détail de l’existence d’un « client » qu’il vient de découvrir. (…)