DVD: des films inédits, surprenants, classiques ou à rattraper

Petit florilège de parutions récentes, monts inconnus et merveilles à redécouvrir. La plupart sont également accessibles en VOD, mais sans les suppléments (bonus audiovisuels, livres et livrets), et pas forcément avec la même qualité d’image et de son.

Photo: Duel au soleil de King Vidor.

En ces jours d’après Festival de Cannes, rien de très excitant parmi les sorties en salles –ça va venir. L’occasion de mettre en avant la récente sortie en DVD de films dignes d’intérêt au plus haut point, qu’il s’agisse de classiques jusqu’alors indisponibles ou proposés dans de meilleures conditions, d’éditions qui permettent de retrouver quelques-unes des plus belles sorties de l’an dernier, ou d’occasions de découvrir dans les marges de belles aventures du regard.

Un inédit sort de l’ombre

Mais d’abord un inédit que vous croyez peut-être avoir vu: Les Fantômes d’Ismaël d’Arnaud Desplechin. L’édition DVD (Le Pacte) donne enfin accès au public français au film tel que l’a conçu son réalisateur, et tel que l’ont vu les publics du reste du monde. Ce n’est pas la «director’s cut» ni la «version longue», c’est le film qu’a voulu Desplechin et qu’ont censuré son distributeur et le Festival de Cannes, imposant plus d’un quart d’heure de coupes pour la projection en ouverture du Festival 2017 et la sortie dans les salles de l’Hexagone. Film magnifique qui ne prend son véritable sens que dans cette version.

Trois souvenirs de l’an passé

Parmi les très beaux films de l’an dernier, on soulignera particulièrement la possibilité de retrouver, édité par Gaumont, le si émouvant et subtil Barbara de Mathieu Amalric, film pour lequel on accorderait volontiers la co-signature à Jeanne Balibar tant le travail de l’actrice contribue à l’intelligence sensible de cette évocation de la grande dame en noir.

Et aussi un petit homme noir, le génie littéraire et politique James Baldwin, autour duquel Raoul Peck a construit le formidable documentaire I Am Not Your Negro (édition Blaq Out). Réalisé d’après les écrits de Baldwin et avec un usage très créatif des archives filmées dans les années 1960 et 1970, le DVD comporte plusieurs bonus de qualité, dont un étonnant documentaire de 1962 tourné en Suisse par Pierre Koralnik, méditation lucide et tranchante de Baldwin sur le racisme européen et le monde post-colonial alors encore à venir.

Enfin, très injustement sous-estimé à sa sortie et passé quasi-inaperçu, le très beau thriller fantastique de Joachim Trier, Thelma. Inquiétant et émouvant, ce voyage dans les abymes intérieurs qu’affronte une jeune fille est à la fois digne d’Hitchcock et très contemporain.

Raretés à découvrir

Confidentiuel et très original, d’une beauté qui ne se compare à rien, l’œuvre filmée de Patrick Bokanowski fait l’objet d’un remarquable travail éditorial de la part des éditions Re-voir. (…)

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(où il sera entre autres question de Rossellini, de King Hu, de Jennifer Jones, de cowboys et d’indiens…)

«Corps et âme», le murmure de la passion écorchée

Ours d’or du dernier festival de Berlin, le film d’Ildiko Enyedi met en scène avec un humour très particulier et beaucoup d’émotion une histoire d’amour à l’épreuve des conventions et des pesanteurs du quotidien.

Où fait-il le plus froid? Dans ces bois couverts de neige, où se rencontrent un cerf et une biche? Ou dans cette usine blanche, aseptisée et mortelle? La femme blonde, tendue, sèche, est arrivée. Elle prend son poste de contrôleuse qualité dans l’abattoir. Elle ne dit rien de superflu, ne sourit pas. Sur son bureau, les stylos doivent être parallèles. Parfaitement parallèles.

Quelle vie est-ce qu’une vie de stylos parallèles, sans paroles superflues? Quelle blessure enferme un être humain dans cette prison (f)rigide?

Il y a les salles d’abattage et les bureaux. Il y a les collègues et la police. Il y a le café, les gestes et les mots, entre convivialité, vulgarité, menace latente. Les vaches, elles, meurent. On nettoie le sang, selon les règles d’hygiène. Et on va fumer une clope.

 

Dans un des bureaux, le chef du personnel fait son travail. Comme il faut, pas plus. Les flics ont des doutes. Lui, il a une routine. Boulot, sérieux, et puis le soir, surgelé, bière, télé. La vie, quoi.

Dans la forêt, le cerf et la biche vont boire à la rivière. C’est son rêve à lui, chaque nuit. C’est son rêve à elle, chaque nuit. Une petite ruse du hasard fera que ces deux taiseux s’en apercevront. Que faire de ça?

Le comique, l’horreur, l’amour

Le film d’Ildiko Enyedi est une comédie. La comédie la plus retenue, les plus intériorisée, la plus à vif qui se puisse imaginer. Comme si le visage impavide de Buster Keaton avait contaminé ses gestes et ses paroles, pour donner accès à une vérité des émotions, des angoisses et des désirs. Comme si le silence du muet avait imprégné le babil du monde.

Ou alors les films de Keaton n’étaient pas du tout des comédies, plutôt des drames métaphysiques mais il ne fallait pas le montrer, donc on faisait des galipettes. Cette fois pas de galipettes. Un murmure exact, assumé. Une sincérité jusqu’au sang.

Corps et âme est un film d’horreur aussi. L’horreur de la difficulté d’habiter ce monde, de jouer les grimaces du social, d’être seul et d’être avec les autres. L’horreur d’une perception juste un peu plus intense des limites, des écarts. Tous les jours. L’horreur d’avoir à les franchir.

 

Mais c’est en même temps un film d’amour. (…)

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