Jacqueline Meppiel, le montage comme art de combat

Jacqueline Meppiel avec Gabriel Garcia Marquez et les élèves africains de la première promotion de l’EICTV en 1987

Profession: monteuse de films. Ce fut longtemps son métier, ce qui ne dit pas tout, loin s’en faut, du rôle important qu’elle a joué dans le cinéma français des années 60, 70 et 80. Car monteuse, pour elle, ne signifiait pas une activité technique mais un mode de pensée en actes, une façon de réfléchir à la fois avec la tête et avec les mains. De Jean-Pierre Melville (Léon Morin Prêtre, 1961) à Coline Serreau (Qu’est-ce qu’on attend pour être heureux !, 1982), très nombreux sont les cinéastes aux côtés de qui elle aura déployé une énergie rieuse et exigeante, qui laissait une marque indélébile chez tous ceux qui avaient la chance de rencontrer cette grande et belle femme.

Cette pensée et cette énergie furent toute sa vie inséparable de ses engagements. En 1963, elle est avec Yann Le Masson qui réalise Sucre amer sur l’élection truquée de Michel Debré à la Réunion. Puis elle joue un rôle important dans l’accomplissement de  Loin du Vietnam (1967), film collectif à l’initiative de Chris Marker, signe majeur de cette époque. En 1969, elle accompagne William Klein pour la réalisation du Festival Panafricain d’Alger, repère lui aussi décisif au sein d’une autre histoire, celle du tiers-mondisme (et aussi de la musique, grâce notamment à la présence d’Archie Shepp). Elle participe à de nombreux documentaires, dont Angela Davis : Portrait of a Revolutionary (Yolande DuLuart, 1972), rencontre Med Hondo qu’elle accompagne sur Bicots nègres, nos voisins (1974) puis dans la réalisation, pour le Front Polisario, de Nous aurons toute la mort pour dormir (1977). Chris Marker la met en relation avec le sociologue Armand Mattelart, ensemble et avec Valérie Mayoux, ils réalisent La Spirale (1976), analyse économico-politique du processus qui a mené au coup d’Etat chilien et à l’assassinat d’Allende. Le film reste aujourd’hui exemplaire des puissances d’intelligence du réel par le cinéma.

Ce sont le même engagement et la même passion qui la mènent d’abord en Angola à peine libéré des Portugais, à la demande du grand ingénieur du son Antoine Bonfanti, pour assurer la formation de futurs réalisateurs et techniciens, puis à Cuba au début des années 80.  Elle crée le département « montage » de l’Ecole internationale de cinéma et de télévision, inaugurée en 1985 à l’initiative de Gabriel Garcia Marquez, et connue comme « l’école de San Antonio de los Baños », qui formera des générations de réalisateurs venus de tout le continent latino-américain. Mariée à l’acteur Adolfo Llaurado (1940-2001), une des grandes vedettes du cinéma cubain, Jacqueline Meppiel a enseigné à l’EICTV jusqu’à ce que la maladie l’en empêche. Elle est morte du cancer des poumons le 9 novembre, elle avait 83 ans.