«Joueurs» et «Woman at War»: les unes plongent, l’autre tire

Le premier film de Marie Monge s’immerge dans les abîmes du jeu d’argent et du risque extrême, le western écologiste d’Erlingsson s’élance aux côtés d’une guerrière pacifiste.

Photo: À gauche, Stacy Martin dans Joueurs. À droite, Halldora Geirhardsdottir dans Woman at War.

Les semaines se suivent et ne se ressemblent pas. Après plusieurs mercredis avec pratiquement rien à se mettre sous le regard, le 4 juillet cumule les propositions dignes d’intérêt. Parmi elles, quatre documentaires on ne peut plus différents, dont Les Quatre Sœurs de Claude Lanzmann et L’Île au trésor de Guillaume Brac, sur lequel on reviendra.

Et, de manière chaque fois singulière, on note l’omniprésence des femmes au centre de films par ailleurs aussi divers que le film d’espionnage Le Dossier Mona Lina, la comédie Tamara Vol 2, le documentaire Femmes du chaos vénézuélien (et évidemment à nouveau Les Quatre Sœurs), sans oublier les reprises de L’une chante, l’autre pas d’Agnès Varda et de Out of Africa d’après Karen Blixen. Au sein de cette offre pléthorique (quatorze nouveautés), deux réalisations centrées sur une figure féminine attirent l’attention: Joueurs et Woman at War.

«Joueurs», un film, une actrice et une cinéaste à l’unisson

Le premier long métrage de Marie Monge est de ces films qui ne cessent de gagner en attractivité à mesure qu’ils se déroulent, et peut-être plus encore ensuite, une fois la projection terminée.

Si le ressort de départ –l’attraction compulsive pour le jeu d’une jeune femme dont la vitalité ne sait où s’investir– peut sembler abstrait, et si la séduction qu’exerce sur elle un garçon hâbleur qui l’entraîne dans les cercles clandestins relève surtout du coup de force scénaristique, plus le film accompagne Ella, plus il se nourrit de présences, d’atmosphères, d’énergies qui en déploient les forces et le sens.

C’est aussi, sinon surtout, qu’Ella est interprétée par cette jeune actrice remarquable qu’est Stacy Martin, qui confirme ici tous les espoirs suscités par ses rôles dans Nymphomaniac et dans Taj Mahal.

L’excellence du jeu des autres protagonistes manifeste la qualité du travail de la réalisatrice avec ses acteurs, comme le déroulement du film multiplie les belles propositions dans ses choix de cadre et de mouvements de caméra, ou dans la relation entre image et son.

Au centre, Stacy Martin et Tahar Rahim.

Joueurs pâtit d’un scénario parfois trop écrit, d’une bande musicale insistante, et d’un goût pour les références –à Scorsese notamment– dont il n’a nul besoin. Mais lorsque Marie Monge laisse vivre son personnage et accueille bruits, lumières et gestes des mondes où celui-ci évolue (les tripots, les hôtels bon marché pour marginaux, mais aussi bien un trottoir parisien ou un restau de quartier), elle atteint une justesse vibrante, du meilleur aloi.

Mieux, le film bénéficie du parallèle qu’il suggère entre la manière dont son personnage plonge dans l’addiction au jeu, et la manière dont la réalisatrice se jette à l’eau de la mise en scène. Dans l’affichage ou même le scénario, tout semble indiquer que Joueurs se joue autour d’un couple. En réalité, il naît de trois femmes: Marie Monge, Stacy Martin et Ella.

«Woman at War», acéré et explosif

La question se pose différemment dans le film de Benedikt Erlingsson, et pas seulement parce qu’aux nuits louches de Paris se substituent les grands espaces d’Islande. Le réalisateur fabrique une véritable horlogerie scénaristique, assumée comme telle avec une tranquille évidence. (…)

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