Le premier long métrage de Daouda Coulibaly trouve dans les ressorts du film de gangster l’énergie d’un puissant portrait des réalités de son pays. L’Afrique est doublement présente cette semaine avec la sortie de «Bayiri».
De la foule bruyante du marché émerge la figure de Ladji. Il travaille à bord d’un de ces innombrables minibus qui, à Bamako comme partout en Afrique sub-saharienne, font office de transports publics.
Ladji est furieux. C’était son tour de devenir patron d’un véhicule, le volant lui revenait. Comme trop souvent, magouille, corruption, tradition l’ont privé de son droit longtemps espéré.
Ladji est pressé. Pressé de gagner assez pour que sa sœur cesse de se prostituer. Pour gagner de l’argent, bien plus et bien plus vite, il y a la drogue, le trafic. Le jeune homme sait où s’adresser.
Ladji n’a pas peur. Avec ses deux copains, il se révèle bientôt efficace, rusé, ambitieux. Autour, le pouvoir, la violence, les réseaux d’influence, les inégalités.
Wulu, premier long métrage du réalisateur franco-malien Daouda Coulibaly, ressemble à Ladji, son héros. Le film a quelque chose d’à la fois sûr de lui et rageur, qui fraie son chemin dans un environnement hostile.
Film de genre et fable politique
Wulu est un film noir, une histoire de gangster, obéissant à un schéma narratif classique, mais dont le déroulement ne cesse de déjouer les poncifs.
Wulu pilote son récit de film de genre comme Ladji conduit le camion qui transporte la cocaïne entre Sénégal et Mali, Mali et Guinée, Sud et Nord du pays où montent en puissance les djihadistes d’Aqmi, qui ne sont pas les derniers à profiter du trafic.
Pas les derniers, tous comme les truands européens qui organisent ce négoce à grande échelle entre Colombie et Europe. Mais les premiers, il se pourrait que ce soit les militaires au plus niveau de l’État. Cet État qui s’effondrera bientôt sous les coups des djihadistes, miné par la corruption et l’incurie de ses dirigeants.
Car Wulu roule sur les routes de l’histoire contemporaines avec la même habileté et la même vélocité que Ladji roule sur les pistes de brousse. Et le thriller se révèle efficace machine à raconter un état d’un pays, voire d’une région. (…)