«Doubles Vies», comédie de mots pour le temps présent

Servi par un quartet de très bons acteurs, le nouveau film d’Olivier Assayas joue avec virtuosité des inquiétudes et des clichés contemporains.

Il faut, dans ce cas, faire confiance à l’affiche. Les personnages du nouveau film d’Olivier Assayas sont en effet proches de ces figures stylisées, graphiques, venues moins de la bande dessinée que du dessin d’humour.

Assayas s’aventure pour la première fois du côté de la comédie revendiquée comme genre –nombre de réalisations de ce cinéaste, de Fin août début septembre à Irma Vep, ne manquaient pas de dimensions comiques, mais sans que cela définisse alors ces films.

Il le fait en revendiquant une définition des protagonistes –un éditeur parisien, un écrivain narcissique, une actrice de série télé compagne de l’éditeur, l’assistante parlementaire «motivée», compagne de l’écrivain– non pas tant caricaturale que volontairement simplifiée à quelques traits dominants.

Les désirs, les idées et les mots

Il le fait, aussi, en faisant des dialogues le cœur même de l’action, selon une méthode qui peut à bon droit faire penser à Woody Allen et qui déploie un jeu construit à la fois sur les désirs, les idées et les mots.

Les désirs (pulsion de domination, besoin de séduire, peur de grandir, attachement à des modèles, égoïsme) sont de toujours, les mots sont ceux d’aujourd’hui. Les idées sont à la croisée de ces deux flux.

Traversé de multiples enjeux actuels –les effets de la révolution numérique dans le monde de la culture, la représentativité des politiques, la place des séries, le rôle des réseaux sociaux– le récit à rebondissements apparemment feutrés et souvent cruels de Doubles Vies se nourrit d’un carburant très particulier.

Perte des repères

Les dialogues sont en effet composés à partir du répertoire des idées reçues et des formules toutes faites qui sont la manière dont chacun se rassure devant la perte des repères affectifs, politiques, culturels, etc.

C’est par là que la mécanique narrative se rapproche d’un genre de dessins de réflexion sur le contemporain à partir des clichés, des phrases-réflexes et des décalages burlesques mais significatifs entre ce qu’on dit et les conditions où on le dit dont Sempé ou Claire Bretecher furent de grandes figures.

Au cinéma, il faut une sorte de virtuosité particulière, faite de vitesse et de contrepied, de changements de rythme et d’élipses, pour faire vivre cette aventure presqu’uniquement mentale. Ou plutôt qui serait mentale si elle ne passait pas par la ressource principale que sont les interprètes.

Jeu de défi et d’esquive au sein du couple que forment l’actrice Selena (Juliette Binoche) et l’éditeur Alain (Guillaume Canet)

Pour incarner ces quatre «figures» dont chacune a sa face cachée et ses failles, le quatuor réuni par Olivier Assayas est à cet égard impeccable. (…)

LIRE LA SUITE

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s