Kongo de Hadrien La Vapeur et Corto Vaclav, un des très beaux films sortis en salle en 2020. | Pyramide Distribution
Malgré les multiples aspects négatifs, déprimants, inquiétants qui caractérisent ce millésime, un nombre important de films mémorables aura atteint les grands écrans en 2020. Il est temps de s’en souvenir.
Évitons pour commencer les lieux communs essorés à propos de l’année qui s’achève. Abstenons-nous de même de prédictions à propos d’une période qui s’ouvre et dont la seule certitude est justement qu’elle est incertaine. Parlons de ce qui, malgré tout, se tient présent: il y a eu des films en 2020. Des films de cinéma, sortis dans des cinémas, vus par des spectateurs de cinéma. Des beaux et bons films.
Moins de films, moins de salles, moins de spectateurs, c’est évident, mais quand même assez pour en estimer le bilan cinématographique, et ne pas ajouter à tout ce que ces œuvres ont subi du fait des circonstances une relégation dans les limbes d’un oubli injuste. Beaucoup n’auront fait qu’un passage trop fugace en salles: ils sont ou seront bientôt accessibles en DVD et en VOD, raison de plus pour s’en souvenir.
Par goût de la symétrie, ou de l’assonance, j’avais promis à mon rédacteur en chef un top 20 pour 2020. Je ne vais pas m’y tenir. Il y a plus, il y a mieux. Et on ne parle pas ici des films découverts dans des festivals et qui auraient dû sortir. On attendra qu’ils rejoignent les salles.
Soul de Peter Procter. | The Walt Disney Pictures
On ne parle pas non plus des films directement sortis sur les plateformes, non par volonté de les exclure, mais parce qu’ils ne semblent tout simplement pas le mériter.
C’est assurément le cas du roublard Mank de David Fincher, nouveau chiffon arty agité par Netflix pour améliorer encore les bénéfices de son business, qui est de commercialiser des séries.
Ce récit de l’écriture de Citizen Kane par Herman Manckiewicz confirme qu’il y a dans l’usage du cinéma par la plateforme au grand N rouge un problème de format. The Irishman de Scorsese était trop court, il aurait dû être une série, Mank est trop long, tout est dit en une demi-heure, symptôme parmi d’autres de l’abus que représente le fait de faire entrer à toute force le format cinéma dans le cadre sériel.
Plus honorable est à cet égard Soul, le film d’animation Pixar parti directement sur Disney+. On y retrouve les qualités des réalisations de Pete Docter, qui sont essentiellement des qualités de conception, mobilisant des questionnements abstraits articulés en une série de petites aventures, et leurs défauts, dont le plus évident est la laideur des personnages en 3D caoutchouteuse et les couleurs droit sorties d’un sac de bonbons chimiques.
L’Asie en beauté
Parmi les films ayant atteint les salles de cinéma en France au cours de 2020, on repère quelques ensembles particulièrement remarquables. L’un d’entre eux réunit les films venus d’Extrême-Orient.
À tout seigneur tout honneur, il faut d’abord saluer le double coup de maître de Hong Sang-soo, dont on aura pu découvrir à quelques semaines d’écart deux merveilles, Hotel by the River et La femme qui s’est enfuie.
Kim Min-hee dans La femme qui s’est enfuie de Hong Sang-soo. | Les Bookmakers / Capricci
Le grand cinéaste coréen est d’ailleurs le seul réalisateur asiatique consacré à figurer dans cette liste, le Chinois Wang Quan’an qui a signé le merveilleux La Femme des steppes, le flic et l’œuf n’ayant pas encore acquis ce statut malgré un Ours d’or à Berlin il y a treize ans, non plus le Japonais Koji Fukada, qui a plus que confirmé avec L’Infirmière tous les espoirs suscités par ses précédents films. Il en va de même avec le Kazakh Adilkhan Yerzhanov, signataire du très singulier A Dark Dark Man.
À noter cette curiosité que constitue la sortie sur nos grands écrans de deux œuvres d’une cinématographie très peu visible d’ordinaire, grâce aux très beaux films tibétains que sont Jinpa de Pema Tseden et Ala Changso de son disciple Sonthar Gyal.
Séjour dans les monts Funchun de Gu Xiao-gang. | ARP Sélection
Mais il faut aussi, et peut-être surtout saluer l’arrivée de nouveaux auteurs, en provenance de Chine. Soit, aux côtés de la grande révélation qu’a été Séjour dans les monts Funchun de Gu Xiao-gang, Grand Frère de Liang Ming et 3 aventures de Brooke de Yuan Qing.
Floraison documentaire
Le deuxième bloc considérable n’est pas géographique mais stylistique, même si on y trouve en fait une très grande variété de tonalités et de dispositifs. Il s’agit de ce qu’on regroupe dans la catégorie documentaire.
City Hall de Frederick Wiseman. | Météore Films
On y retrouve le maestro de l’enquête filmée, Frederick Wiseman, avec une œuvre majeure, City Hall, ou un remarquable usage du montage d’archives, avec Dawson City de Bill Morrison. Mais surtout un considérable ensemble de propositions signées de documentaristes français, avec notamment Adolescentes de Sébastien Lifshitz (qui a aussi présenté, sur Arte, Petite Fille, d’une actualité qui vient de trouver un écho tragique avec le suicide de Fouad).
Adolescentes de Sébastien Lifshitz. | Ad Vitam
Mais aussi l’admirable recherche sensible qu’est Histoire d’un regard de Mariana Otero, l’envoûtant et visuellement impressionnant Kongo de Hadrien La Vapeur et Corto Vaclav.
Et encore, chacun dans un registre singulier, Si c’est de l’amour de Patrick Chiha, Green Boy d’Ariane Doublet, Les Équilibristes de Perrine Michel, Monsieur Deligny, vagabond efficace de Richard Coppans, L’Apollon de Gazade Nicolas Wadimoff.
France fictions, un bouquet
Côté fiction, les Français sont sans doute moins performants qu’à l’ordinaire, mais il convient tout de même de rappeler quelques très belles propositions. (…)
Cher Jean-Michel,
C’est vraiment bien, City Hall ? Nous on a un problème avec Wiseman, à part ces deux joyaux que sont Titicut et Boxing Gym, le reste est impitoyablement exhaustif et bavard, deux caractéristiques bien US, soit dit en passant. Celui sur l’hôpital, on n’avait pas tenu une heure, pourtant on aime beaucoup l’idée d’hôpital en général et les hôpitaux en particulier, et celui sur Berkeley était encore pire que la réalité, si possible. Donc nous ne nous risquerons à City Hall qu’après ton nihil obstat.
Bises échaudées,
Llx
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Nihil obstat, je confirme. Et même imprimatur des deux mains.
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