Ann (Marion Cotillard) enchante Annette. | UGC Distribution
La 74e édition du Festival s’est ouverte avec un film d’ombres profondes et de lumières intenses, à tous égards remarquable, après une cérémonie moins protocolaire qu’à l’ordinaire.
l y a eu la soirée, et il y a eu le film. Le plus important, c’est le film. Et le film c’est Annette, sixième long-métrage de Leos Carax en trente-sept ans.
Un film-tempête, qui à la fois chevauche les grandes vagues du spectacle, de l’émotion, des inoubliables références –comédie musicale et mélodrame surtout, film noir et conte fantastique aussi bien– et en distille une critique aussi radicale que stimulante.
Henry le comique et Ann la cantatrice d’opéra s’aiment d’un grand amour, tout en menant chacun·e une carrière triomphale sur leur scène respective. Ils ont une petite fille, qui donne son nom au film. Et puis surgissent des démons.
Ces démons sont ceux auxquels ont affaire les personnages, ce sont ceux auxquels a sans doute affaire celui qui raconte cette histoire mais aussi, ou surtout, les démons qui habitent les enchantements dont il semblait être question.
Avec et contre la came du spectacle
Le spectacle, le succès, le public, le couple, la famille… tout ici sera dans le mouvement apparemment naïf d’une comédie musicale sur le monde idéal de la scène tel que Hollywood l’a vendu à la terre entière –«the world is a stage, the stage is a world of entertainment», cette came frelatée dévoyant la tragédie shakespearienne et à laquelle presque personne ne résiste.
Ce mouvement, Carax sait tout aussi bien l’épouser que le faire dérailler. Parce qu’à la fois il l’aime et il en ressent et comprend les faces obscures, celle de la vie fausse et des asservissements, celle de la destruction comme de la conquête et de la prise de pouvoir.
Henry (Adam Driver), méphisto et victime, cerné par les tentations de l’abîme. | UGC Distribution
Comme son héros (qui finira par lui ressembler physiquement, alors que…), Carax danse sur la ligne de crête entre adhésion et dérision, quand son héroïne, la merveilleuse Ann, la merveilleuse actrice qu’est Marion Cotillard, est d’abord tout entière du côté de ce qui veut s’élever et élever les autres avec soi.
Quand ils ont du succès, elle dit du public «je les ai sauvés», il dit «je les ai tués». Pourtant elle meurt en scène, et lui fait rire. Ce n’est que le premier paradoxe, ô combien actif dans les jeux pervers de l’admiration, de la fascination, de l’identification, des deux côtés de la rampe qui sépare scène et spectateurs.
Lui, Henry auquel Adam Driver donne une sidérante complexité enfantine et perverse, conquérante et déjà défaite, a affaire à ce qu’il nomme l’abîme. Mais le nommer ainsi est peut-être une facilité, une échappatoire. (…)
Cher Jean-Michel,
Tout ça donne envie d’y être !
C’est vraiment bien, Carax ? Holy Motors nous avait navrés de tape-à-l’œil, avec juste un grand moment quand les autos se mettent à discuter entre elles, mais enfin il avait fallu se taper plus d’une heure de n’importe quoi prétentieux-confusionniste avant d’en arriver là.
C’est bien d’avoir repris la brochette de cérémonie (photo JMF). Et pourquoi tu n’en ferais pas plus ? Comme ça on aurait vraiment l’impression d’y être ! Les iPhones font d’excellentes photos de nos jours et nous sommes toujours prêts à ton retour à t’initier sérieusement à Photoshop pour t’encourager dans cette voie (car il n’est pas de photo dans le vide, sans labo, pas plus qu’il n’est de peintre sans chevalet).
Bises sentencieuses,
Llx
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