«Visages Villages» co-réalisé par l’auteure de «Cléo» et le street photographer n’est pas seulement hors compétition, il échappe avec génie, simplicité et émotion à toutes les catégories en vigueur. Avec plus d’éclat que «Wonderstruck» et «Faute d’amour», présentés ce jeudi.
La compétition officielle du 70e Festival de Cannes a commencé avec deux films sur le même motifs, mais parfaitement antinomiques. Chez le Russe Andrey Zvyagintsev comme chez l’Américain Todd Haynes, il s’agit en effet d’enfants qui disparaissent de la maison. Mais alors que Faute d’amour, du premier, ne cesse de creuser cette absence, ce vide à la fois créé et dénoncé par la fugue du fils d’un couple en train de divorcer, Wonderstruck (Le Musée des merveilles en VF) ne cesse d’accumuler les anecdotes, les rebondissements, les clins d’œil.
Le nouveau film du réalisateur de Carol est ambitieux et complexe, il se joue à la fois en 1977 et en 1929, en noir et blanc et en couleur, avec deux personnages principaux sourds suscitant des jeux sur le son autant que sur l’accès aux informations. Le scénario manufacture des coïncidences et des effets de symétrie avec une indiscutable inventivité. Tout cela, y compris le recours aux objets fétiches comme réceptacles de la mémoire et des peurs enfantines, est mûrement réfléchi, et d’un intérêt proche de zéro.
Nettement plus intéressant est le nouveau film du réalisateur de Leviathan. La recherche de l’enfant fugueur par les membres d’un couple en crise est (à nouveau) l’occasion d’une évocation à la fois réaliste et métaphorique d’une Russie en état d’effondrement moral et affectif.
Maryana Spivak dans Nelyubov (Faute d’amour) d’Andreï Zviaguintsev
Avec en toile de fond les événements internationaux, et un sens incontestable de l’intensification des situations, ou même de plans apparemment neutres (un bois sous la neige, une rue dans la ville, la vue par une fenêtre), Zviagintsev suggère un constat psycho-politique d’une totale noirceur.
Le film repose toutefois sur deux ressorts utilisés sans grande subtilité, et par ailleurs dont la coexistence reste inexpliquée. D’une part, Faute d’amour pousse à l’extrême le degré d’égoïsme, de rejet des autres et au fond de soi de la quasi-totalité des protagonistes, en une surenchère qui finit par sembler relever plus du système que de la sensibilité à une situation, aussi sombre soit-elle.
D’autre part, au milieu de ce monde infect, comme surgis de nulle part, s’active un escadron de braves gens, efficaces, dévoués, dont on ne saura jamais comment ce monde pourri a pu leur donner existence.
C’est où les cinémas de Haynes et Zvyagintsev finissent pas se rejoindre: par des voies complètement différentes, il s’agit dans l’un et l’autre cas d’un cinéma en force, où le réalisateur use et abuse de son pouvoir pour «emporter le morceau», quel que soit le sens et la nature dudit morceau.
Là où va la vie
Tout le contraire de la manière de fonctionner du gai tandem Agnès et JR. (…)