C’est en tout cas un domaine pour lequel on pourra tirer un bilan très positif au terme de cette 70e édition. Les films signés Agnès Varda et JR, Claude Lanzmann, Barbet Schroeder, Raymond Depardon, Emmanuel Gras ou Mariana Otero multiplient les propositions passionnantes.
Pas seulement les Français d’ailleurs. On a évoqué ici l’importance d’À l’Ouest du Jourdain d’Amos Gitai. Et, même sans aucune prétention sur le terrain du langage cinématographique, Une suite qui dérange, suite d’Une vérité qui dérange consacré au combat d’Al Gore contre la catastrophe environnementale et ceux qui contribuent à son aggravation, est un document très intéressant, à la fois portrait d’un politique au travail et dossier informatif, avec quelques révélations sur les coulisses de la COP21.
1.Visages Villages d’Agnès Varda et JR
Mais l’essentiel des propositions les plus stimulantes sont réalisées par des Français – pas forcément à domicile. On ne se lasse pas de répéter la pure merveille qu’est Visages Villages d’Agnès Varda et JR, attendu en salle le 28 juin. Ils sont, à Cannes, en bonne compagnie.
2.Napalm de Claude Lanzmann
Napalm de Claude Lanzmann est un geste fou, qu’il reviendra à chacun de trouver insupportable ou bouleversant. Le film évoque en quelques plans et quelques images d’archives le voyage du réalisateur en Corée du Nord à la fin des années 50, la guerre de Corée, Pyongyang aujourd’hui, avant de se concentrer, plein cadre, sur son seul véritable sujet, sa passion pourrait-on dire: Claude Lanzmann lui-même.
En gros plan, celui-ci conte une histoire que tous ceux qui portent attention à son œuvre connaissent puisqu’il l’a narrée par le menu dans son grand livre autobiographique, Le Lièvre de Patagonie.
Au cours de son expédition en Corée du Nord, Lanzmann a vécu une idylle brève, intense et illégale avec une infirmière coréenne. A quoi bon le filmer racontant une histoire déjà connue? Justement!
Tout change, avec la voix, avec le visage, avec le regard, avec les inflexions de ce rhéteur virtuose, entièrement habité par l’importance absolue de ce qu’il a vécu et ressenti alors, et depuis.
Et si, par-delà la désinvolture absolument injustifiable avec laquelle est traitée la sinistre réalité nord-coréenne, par delà un égocentrisme qui atteint ici des proportions surhumaines, on accepte ce pur processus d’incarnation, incarnation d’une mémoire et d’un amour, par les moyens du cinéma, il se joue quelque chose d’exceptionnel, sinon d’unique, dans ce film.
3.Le vénérable W, Barbet Schroeder
Avec Le Vénérable W, Barbet Schroeder revendique de compléter sa «trilogie de la terreur», après les portraits filmés d’Amin Dada et de Jacques Vergès. En fait chacun de ces films est tout à fait singulier, et cette enquête sur le moine bouddhiste appelant à la multiplication des pogroms en Birmanie contre la minorité musulmane existe dans toute sa force autonome. (…)