En enquêtant sur la part d’ombre du passé de sa famille, Éric Caravaca rend sensible les blocages et les éclipses du rapport au passé, au plus près de son histoire personnelle, mais avec des échos bien plus vastes.
Nombreuses sont les manières de rencontrer un film. Certains séduisent d’emblée. Certains sont balisés de signes de reconnaissance, qu’on a plaisir –ou pas– à identifier en chemin. Certains s’ouvrent de prime abord sur un inconnu attirant, qu’on a envie d’explorer.
Avec d’autres, le chemin est plus incertain, il faut du temps pour trouver sa propre place avec les images, les sons et les récits proposés –du temps pendant la projection, parfois même seulement après.
Le début de Carré 35, le deuxième film réalisé par Éric Caravaca surtout connu comme acteur, laisse perplexe. Des voix off (une femme, puis le cinéaste) accompagnent des images d’archives familiales, évoquant un passé au Maroc dans les années 1950, l’arrivée en France à la décolonisation. Une histoire personnelle dont, malgré l’inscription dans un cadre historique, on ne voit pas bien en quoi elle nous regarde.
C’est que Caravaca procède par ajouts de petits blocs de natures différentes, images de ses parents, entretiens tournés aujourd’hui, retour sur des lieux, scènes d’époque tournées pour les actualités filmées ou télévisées.
Un film de fantômes
Cette composition s’ordonne autour d’une absence, et d’un silence. L’absence d’une grande sœur, née chez les Caravaca avant Éric et son frère, le silence sur son existence même, son sort, sa mort à l’âge de 3 ans, en 1963, même son nom. (…)