Casanova (Vincent Lindon) et la Charpillon (Stacey Martin) dans le clair-obscur de la séduction
Le nouveau film de Benoît Jacquot s’inspire des «Mémoires» de Casanova pour laisser éclore un très beau portrait de jeune femme.
Il est des films comme des plantes. On en connaît la graine, et la terre où on la sème. Mais en poussant, sans échapper à son origine, elle prend une tournure et une couleur inattendues.
Dernier Amour adapte un passage des Mémoires de Casanova, désormais connues sous le titre Histoire de ma vie. Casanova vieillissant est interprété par Vincent Lindon, selon un jeu très réglé entre le personnage historique et l’acteur vedette qui lui prête ses traits.
Le Vénitien est à Londres, où sa réputation le précède. Avec beaucoup de subtilité, Benoît Jacquot compose une évocation de l’aristocratie anglaise libertine du milieu du XVIIIe siècle, le mélange de sophistication emberlificotée et d’extrême brutalité d’un monde étrange, quasi somnambulique.
Bateleur virtuose, à la fois rusé, cynique et véritablement curieux du monde, Casanova y évolue, tout comme dans les bas-fonds de la capitale, avec une aisance conquérante qui n’exclue pas les échecs parfois cinglants.
Transgressions stylistiques
Les premières séquences malmènent les conventions de la reconstitution d’époque, grâce à un mélange de réalisme très cru, de transgression des codes actuellement en vigueur dans la représentation du corps féminin et d’un peu de stylisation crépusculaire, à laquelle les images denses et belles du chef opérateur Christophe Beaucarne donnent une matière sigulière.
L’aventurier vénitien et la haute société londonienne en pleine action.
Soirées luxueuses chez les nobles, jeux d’argent délirants, détours par les bordels sordides, codes sociaux hypocrites et ridicules, activités sexuelles compulsives et ostentatoires des hommes et des femmes qui en ont le pouvoir tissent une trame serrée qui se déploie autour du personnage central de cette sombre tapisserie aux multiples reflets.
En proie à l’exil et à des difficultés matérielles, Casanova déploie un arsenal de ruses et de séduction, d’opportunisme et d’ironie sur ce monde où il débarque.
Passe, repasse cette figure d’une demoiselle, prostituée affublée d’un nom atroce, la Charpillon, et d’un physique avenant. Elle est différente. Une délicatesse, une énergie.
La femme par qui le scandale de l’amour arrive.
Multipliant les ébats fort peu intimes et les gestes d’éclat en société, Casanova est attiré par celle couchant avec tout le monde et se refusant à lui, qui n’a guère l’habitude de pareil échec.
Érotiquement, politiquement
Tactiquement, si l’on peut dire, Dernier Amour reste une aventure de Casanova, racontée par lui –avec cette honnêteté étonnante qui est un signe distinctif de ses Mémoires. Mais stratégiquement, sensuellement, érotiquement, politiquement, c’est elle qui peu à peu occupe le territoire du film. (…)