Ces films injustement passés inaperçus en 2017

Parce qu’ils ont été distribués avec peu de moyens, ou qu’ils viennent de loin, ils ont vite été retirés des salles. Et pourtant… Hommage à ces films qui ne méritent pas d’être oubliés.

S’il n’est pas sûr que 2017 restera comme un très grand crû dans l’histoire du cinéma (aucun chef d’œuvre évident en vue), l’année a bien entendu offert son lot de propositions mémorables. Et parmi elles, comme il est d’usage, certaines, pour ne pas dire la plupart, n’ont pas connu la reconnaissance immédiate qu’elles méritaient.

Il faut ici parler de reconnaissance plutôt que de succès, en tout cas de succès commercial. La «structure du marché» (pardon) du cinéma en salles est désormais telle qu’il est pratiquement exclu qu’un film tant soit peu ambitieux figure dans les hauteurs du box-office.

Parmi les 47 titres distribués en 2017 et ayant dépassé le million d’entrées en France, seuls La La Land de Chazelle, Split de Shyamalan et, à la rigueur, Dunkerque de Nolan, présentent un intérêt comme idée du cinéma ou simplement originalité dans la mise en scène.

La reconnaissance et le succès, deux échelles différentes

Ce sont trois films de majors qui, indépendamment de leurs qualités, ont bénéficié de la puissance de distribution et de promotion de ce système. Mais le meilleur film hollywoodien de l’année, Detroit de Kathryn Bigelow, n’aura pas pu atteindre un tel score.

En sens inverse, et de manière exemplaire, la plus haute reconnaissance est allée à deux très beaux films français (et ce n’est sans doute pas terminé, la saison des prix arrive). Mais ni 120 Battements par minute de Robin Campillo, pour lequel ses 800.000 entrées doivent être considérées comme un triomphe, ni Visages Villages d’Agnès Varda et JR, qui ont toutes raisons de se féliciter de leurs 230.000 entrées, ne jouent dans la catégorie des caïds du box-office.

Et il en va de même avec les 360.000 entrées de Barbara, qui sont une très belle réponse au film de Mathieu Amalric, ou La Villa, un des meilleurs scores de Robert Guédiguian (déjà plus de 320.000 entrées),

C’est a fortiori le cas du magnifique Félicité d’Alain Gomis, à juste titre remarqué au Festival de Berlin et à sa sortie, mais qui aura attiré 65.000 spectateurs.

Mal montrés, vite évacués

Beaucoup de beaux films auront été loin de susciter autant l’attention, et seront donc restés dans les enfers du box-office, d’autant plus que les salles les programment souvent de manière très médiocre, et les excluent des écrans avant qu’ils aient une chance de construire un possible public.

Précisons qu’on ne mentionnera ici que des films qui avaient ce qu’on appelle dans le jargon des marchands un «potentiel public», des films qui, en d’autres temps, auraient pu attirer un beaucoup grand nombre de spectateurs –alors que, aussi beaux soient par exemple Laetitia de Julie Talon ou Les Derniers Jours d’une ville de Tamer El Saïd, tout en se désolant qu’ils aient été si peu vus, on en sera moins étonné.

Parmi eux, commençons par deux amendes honorables, puisqu’ils n’ont pas été chroniqués sur Slate, ce qui est bien dommage et entièrement de la faute de l’auteur de ces lignes.

Un des films les plus importants de 2017, sans doute la réflexion la plus intelligente sur l’Europe aujourd’hui en même temps qu’une œuvre puissante et sensuelle, est Western de la réalisatrice allemande Valeska Grisebach. L’année aura aussi vu une nouvelle réalisation tout à fait accomplie, drôle et émouvante d’Aki Kaurismaki, L’Autre Côté de l’espoir, injustement resté absent de ces virtuelles colonnes.

Français, Américains, Européens…

Parmi les beautés de 2017 victimes d’une injuste obscurité figurent plusieurs premiers films français dont on veut croire que ce destin inique n’empêchera pas leurs si prometteurs auteurs de poursuivre.

Ainsi de Lumières d’été, premier long métrage de fiction de Jean-Gabriel Periot et de la découverte des débuts de Marine Francen, Le Semeur, ou de Rachida Brakni, De sas en sas.

Même une véritable réussite d’un cinéaste aussi connu qu’André Téchiné, Nos années folles, aura également connu un incompréhensible désintérêt. Sans parler du si juste et émouvant Tous les rêves du monde de Laurence Ferreira Barbosa, dont la très grande majorité de nos contemporains n’a simplement pas l’idée qu’il existe, alors qu’ils l’auraient presque certainement aimé s’ils l’avaient vu.

Le cinéma indépendant américain n’est pas logé à meilleure enseigne. L’admirable  Certaines femmes de Kelly Reichardt, l’énergie vitale de American Honey d’Andrea Arnold, ou l’invention fantastique d’Upstream Colours de Shane Carruth sont ainsi restés lettres quasi-mortes pour le public. (…)

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Le complexe de Prometheus

 

En inventant le (soi-disant) récit fondateur de ce qu’il a raconté en 1979, Ridley Scott accomplit un geste de propriétaire reprenant ses droits sur un monde.

C’est un geste curieux qu’accomplit Ridley Scott en réalisant Prometheus, plus de 30 ans après Alien. A l’heure où les «franchises» sont devenues la règle à Hollywood, le film semble s’inscrire dans cette recherche éperdue de sécurité que représente pour les majors la réutilisation de personnages et de situations connues, surtout si les films nécessitent de gros investissements en effets spéciaux.

Mais il est beaucoup plus singulier que ce recyclage soit relancé par l’auteur du film fondateur. Auteur? Scott est à n’en pas douter l’auteur d’Alien, même si le film fut à l’origine une commande la Fox. La manière dont il s’est approprié le sujet est incontestable, tout comme le rôle décisif joué par le film dans sa carrière ensuite, après que son premier film, «film d’auteur» au sens classique, européen, Duellists (1977), a été un échec commercial. En inventant aujourd’hui avec Prometheus le (soi-disant) récit fondateur de ce qu’il a raconté en 1979 –et des trois sequels réalisés par d’autres– Ridley Scott accomplit un geste de propriétaire reprenant ses droits sur un monde.Au premier rang de ces «autres», James Cameron (Alien, le retour, 1986). James Cameron devenu entre temps le cinéaste qui aura à deux reprises signé le film ayant eu le plus de succès de toute l’histoire du cinéma, Titanic puis Avatar.

James Cameron qui vient d’annoncer qu’il entendait ne plus tourner que des films situés sur Pandora, la planète inventée par lui pour Avatar. C’est-à-dire continuer de créer son propre monde, rester maître de l’univers qu’il a conçu. Projet d’artiste démiurge, dont on aurait tort de sourire tant Cameron a prouvé qu’il était capable de mettre en œuvre les conditions artistiques (récit, images) mais aussi financières et technologiques de ses projets.

Projet titanesque? Précisément au sens de ce titan nommé Prométhée, qui conçut le projet d’égaler les dieux. Exactement ce vers quoi tendent certains réalisateurs d’aujourd’hui, avec le renfort des puissances technologiques ouvertes par le numérique et des puissances économiques ouvertes par le marketing mondialisé –vous avez dit Pandora?

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Cannes: cru classieux

 

La sélection officielle du 64e Festival de Cannes était confrontée à un effet d’annonce fragilisant: réputée d’emblée comme un «bon cru», elle risquait d’apparaître inévitablement comme en deçà d’un top niveau idéal, tout en courant le risque symétrique d’être accusée de se conforter avec des «valeurs sûres» si la sélection se concentrait sur les grands noms du cinéma mondial.

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