«Milla», celle qui est là

Au-delà de la chronique et du fantastique, le deuxième film de Valérie Massadian capte l’aura intense et vibrante d’une jeune femme au fil de son quotidien.

Elle est là, Milla. Une jeune fille, une humaine sans âge, une extraterrestre venue du futur. Surgie du côté opaque d’une planète lunaire, qui serait aussi la Terre.

Ça se passe ici, maintenant. Mais un ici et maintenant comme un chant sauvage, un bond de côté. Valérie Massadian filme de là.

Pas une personne, pas un personnage

La mer, le village sur la côte de la Manche, la maison pourrie mais quand même protectrice, les cafés tristes, les larcins pour manger, le travail, le garçon rebelle, la mort, le bébé, c’est une vie? Non.

La vie, c’est elle, Milla. Pas parce qu’elle fait des choses surprenantes ou spectaculaires, encore moins parce qu’elle «représenterait» quelque chose –comme si on savait ce que ça veut dire.

Le deuxième film de Valérie Massadian –cinéaste sidérante révélée il y a sept ans avec une météorite au nom de toute petite fille, Nana– défie les règles de la chronique sociale et de la romance comme les jeux convenus avec les codes du fantastique ou du lyrisme, les constructions de métaphores.

Marginale, enfantine, amante, femme de ménage, fêtarde, marchande de fruits, maman…. Milla n’est pas une personne, comme dans les documentaires, et pas un personnage, comme dans les fictions. Elle est une existence, une vibration.

Elle est ronde, elle est blonde, elle est silencieuse. Ni petite fille, ni ado, ni femme –ou tout cela ensemble, mais de biais, un peu en retrait. Elle est bouleversante de n’être comparable à rien ni personne, anti-cliché comme on dit antimatière. (…)

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Quelques belles propositions de cinéma à Locarno 2017

Pour sa 70e édition, le festival suisse qui a lieu du 2 au 12 août a d’ores et déjà consolidé sa position de grande institution cinéphile, et offert une poignée de propositions artistiques remarquables.

C’est une question qu’on ne se serait pas posée il y a encore cinq ans: combien des films dignes d’intérêt découverts à Locarno sortiront en salles en France? Jusqu’à il y a peu, la réponse, évidente, était tous –ou du moins la grande majorité.

Mais aujourd’hui, si le nombre de films en distribution a augmenté, l’audace d’offres différentes s’est en revanche réduite, même si la France reste, et de loin, le pays le plus accueillant au cinéma d’auteur.

Et comme Locarno a parallèlement évolué vers un écart de plus en plus marqué entre productions conformistes, surtout sur sa Piazza Grande, et propositions expérimentales dans plusieurs sections compétitives, les découvertes bien réelles qu’on peut faire grâce à la vénérable institution tessinoise sont promises à des destins de plus en plus aléatoires.

Institution, le Festival l’est plus que jamais, puisque son écran géant de la Piazza figure désormais sur les billets de 20 francs de la Confédération. La ville et le canton lui ont d’ailleurs ofert un bâtiment flambant neuf, avec trois nouvelles salles très ben équipées. Et vénérable assurément, lui qui fête cette année sa 70e édition –comme Cannes, créé deux ans plus tôt mais qui a connu deux années sans tapis rouge.

Les inventions de «Milla»

Rien n’assure donc que les spectateurs français auront la possibilité de découvrir les 5 ou 6 films mémorables parmi les quelque 25 découverts durant les cinq premiers jours du Festival. Du moins peut-on se réjouir que Milla, le deuxième film de Valérie Massadian, cinq ans après le si beau Nana, ait un distributeur.

Séverine Jonckeere et Luc Chessel dans Milla.

C’est la promesse de retrouver cette utopie de cinéma, qui semble inventer pour les corps et pour les mots, pour les instants et pour les lieux, d’autres usages que ceux communément attribués par les films, dans une continuelle redécouverte des moyens de raconter et d’émouvoir.

«Lucky» et «Winter Brothers», prodiges de la présence

On pourrait dire l’inverse, de manière tout aussi élogieuse, de Lucky, premier film de l’acteur américain John Carroll Lynch, et de Winter Brothers, premier film de l’Islandais Hlynur Palmason. L’un est aussi solaire (en Arizona) que l’autre est polaire (dans une zone minière glaciale), le premier est aussi émouvant et drôle que le second est brut d’affects.

Harry Dean Stanton dans Lucky.

La peau, les gestes, la démarche, la voix de Harry Dean Stanton, cowboy très âgé, font peu à peu naître sourires et serrements de gorge, dans ce qui sait être si bien un hymne à la vie dans l’ombre très présente de la mort.

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Elliott Crosset Hove dans Winter Brothers

La brusquerie des pulsions du mineur, trafiquant et obsédé joué par l’étonnant Elliott Crosset Hove, la violence sans fard de ce monde de mâles, de travail extrême, de tension à la limite de l’humain hantent le film nordique, avec au fond les mêmes ressources que le film étatsunien: la croyance dans la présence des acteurs, dans la durée, dans les puissances des sons, des ombres et des lumières.

Denis Côté à fleur de peau

Tout autre chose, ou plutôt la même chose, mais complètement différemment: on retrouve l’excellent Denis Côté, aussi talentueux qu’il arbore sa casquettes de documentariste, d’essayiste ou de réalisateur de fiction –où toutes à la fois. (…)

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