«L’Événement» et «Au crépuscule», aux limites du dire et du vouloir dire

Anne (Anamaria Vartolomei), déterminée à aller jusqu’au bout.

Le film d’Audrey Diwan est traversé d’une force rectiligne. Sharunas Bartas évoque en clair-obscur la résistance à l’envahisseur soviétique.

Il sort ces jours-ci en librairie un livre intitulé L’Ecran de nos pensées, Stanley Cavell, la philosophie et le cinéma, excellent ouvrage collectif sous la direction de la critique et universitaire Elise Domenach, et auquel l’auteur de ces lignes s’honore d’avoir contribué. Il explqiue la manière dont Cavell a aidé à comprendre comment le cinéma nous fait penser, nous incite à penser. Comment tout le cinéma, pas seulement les films d’auteur ou les films-essais, incite tout le monde à penser, pas seulement ceux qui en font plus ou moins profession.

Si le grand livre de Cavell à propos des films est La Projection du monde, le philosophe de Harvard est également entre autre l’auteur de Dire et vouloir dire, dont le titre (et en partie le texte) pointe vers ce que mobilisent deux films qui sortent cette semaine sur les écrans, de manière aussi contrastée qu’éclairante.

Le premier, L’Evénement d’Audrey Diwan, veut dire, au risque – finalement esquivé de justesse – de mal dire. Le second, Au crépuscule de Sharunas Bartas, se défie de toute forme de vouloir dire, au risque, finalement esquivé lui aussi de justesse, de ne plus dire grand chose.

Dans ce jeu autour de l’intention à laquelle tous les choix qui composent un film sont asservis se joue la plus grande part de ce que fait le cinéma, de ce que font les films – de ce qu’ils font à chacun(e) et à tous, et au monde.  

L’Evénement d’Audrey Diwan

L’Evénement était le titre du livre d’Annie Ernaux, un des plus intenses de l’écrivaine, par sa précision factuelle et sa capacité à faire éprouver à la fois les émotions de la jeune femme qui, 37 ans après avoir traversé cette expérience violente, a su l’écrire.

C’est le titre d’un film, en 2021, et cet écart entre les époques est partie prenante de la force qui émane de ce deuxième film tendu et incarné. Au passage du livre au film, le sens du mot «événement» a en partie changé de sens.

Au début des années 1960, dans une ville de la province française, une jeune femme de famille modeste (ses parents tiennent une épicerie buvette) au seuil d’études prometteuses, découvre qu’elle est enceinte. Garder l’enfant signifie un avenir bloqué, l’arrêt de tout ce qui la portait. Avorter est, dans ce pays et à cette époque, un combat presque surhumain pour quelqu’un comme Anne.

Dès lors, l’événement n’est plus seulement la découverte de sa situation – être enceinte. Ce qui fait événement, tout au long du film plus encore que du texte, c’est la chaine des comportements, des gestes, des objets, des expressions de visages et de corps auxquels est confrontée la jeune femme.

Jadis, naguère et aujourd’hui

C’est à dire, aussi, inévitablement, la mise en écho de cette succession de très nombreuses pratiques et de très nombreuses réactions (familiales, amicales, médicales, éducatives…) à ce qui est du même mouvement un cas ô combien personnel, une situation partagée par de très nombreuses femmes, un enjeu plus général de prise de position par rapport à la loi et à la morale. Et bien sûr tout ce qui s’est produit autour de la liberté des femmes à disposer de leur corps depuis un demi-siècle, y compris les brutales remises en question des acquis, ici et maintenant.

Marqué par ce courage de la réalité qui définit le talent littéraire de son auteure, le livre n’avait pas vraiment besoin de mobiliser ces multiples chambres de résonances. Sa vérité, intime, violente et sensible, suffisait dans une ample mesure, même s’il construisait lui aussi des échos avec le présent, celui de la traque des migrants comme d’un possible problème de santé de l’auteure au moment d’écrire.

Il ne va pas, il ne peut pas en aller de même avec un film, un film fait aujourd’hui, avec une présence à l’écran qui n’est pas Annie (ni la jeune fille enceinte de 1963 ni la l’écrivaine de 2000) mais Anne, personnage interprété – admirablement – par une actrice, Anamaria Vartolomei.

Une triple opération s’active inévitablement dans ce passage du livre au film. Il engendre une augmentation de la part fictionnelle : ça ne se passe pas aujourd’hui, la personne que nous voyons, l’actrice, n’est pas vraiment enceinte, etc. Passer à l’image implique une matérialisation du texte sous forme de visages, de lieux, d’objets et de sons qui n’existaient jusqu’alors que dans l’abstraction des mots. Ces deux dimensions provoquent une autre mise en résonance, qui n’est plus tout à fait la même entre les faits de 1963 et les images de 2021 qu’entre ces faits et les mots de 2000.

Droiture et simplicité

Il ne suffit pas de constater que ces processus sont plus ou moins inévitables dans toute adaptation d’un livre situé à une autre époque. Il s’agit de mesurer avec quels effets ces phénomènes se produisent dans le cas de l’histoire d’une jeune femme française au début des années 60 dont on raconte l’histoire au cinéma aujourd’hui.

Les choix de mise en scène de la réalisatrice sont évidemment multiples, mais ils se résument finalement à un parti pris, celui de la droiture et de la simplicité.

Scotchée à son héroïne, la caméra capte silences, regards et gestes auxquels est confrontée Anne, les multiples modalités d’un contrôle collectif où se combinent et se renforcent à l’infini la loi, la religion, le conformisme, la misogynie, le puritanisme. Malgré les transformations majeures advenues, il faudrait être bien aveugle pour croire que tout cela a disparu à présent.

Face aux multiples formes de l’enfermement et du déni, la difficile expérience de la solitude. | Wild Bunch

La précision des situations évoquées, y compris en s’abstenant de reproduire une certain nombre de clichés – par exemple à propos de l’avorteuse clandestine qui reste massivement associée à un imaginaire de sorcière malfaisante, sale et avide – nourrit cette tension entre les mots et les choses de jadis et un regard actuel. Surtout, la construction du film donne à percevoir comment agissent des violences innombrables et de natures très différentes, perpétrées par des personnes aux comportements différents, mais qui participent de ce labyrinthe où se démène une jeune fille livrée dès lors à une terrible solitude.

Cette violence est, tout à fait réellement mais aussi de manière si active sur le plan de la dramaturgie, soumise à un compte à rebours fatal. C’était, on s’en souvient, une des dimensions de l’admirable Quatre mois, trois semaines, deux jours, d’ailleurs soulignée par le titre. Et si le film d’Audrey Diwan, lauréat du Lion d’or à Venise cette année, fait écho à celui de Cristian Mungiu, Palme d’or à Cannes en 2007, ce dernier permettait une mise à distance pour se passer dans la Roumanie de Ceaucescu, perçue comme une sorte de Moyen-âge obscur et lointain par un public occidental «éclairé».

Alors que L’Evénement convoque ce que signifient les remises en cause actuelles du droit à l’avortement, aux Etats-Unis, en Pologne et ailleurs, mais aussi en France où elles trouvent  le soutien de forces importantes. Film d’époque, il est sans discussion un film de notre époque, qui jamais ne laisse place à l’idée que tout cela est d’un autre monde. C’est la grande vertu de cette frontalité efficace de la réalisation.

Prendre aux tripes?

Cette frontalité et cette efficacité posent, aussi, un problème de cinéma. Audrey Diwan est également la coscénariste d’un film fascisant, sorti cet été avec un grand succès, BAC Nord de Cédric Jimenez, aussitôt salué et promu par tout ce que le pays compte de propagandistes d’extrême droite. Ensemble, et alors qu’ils semblent porter des idées du monde antagonistes, les deux films témoignent de l’ambiguïté de cette notion même d’efficacité spectaculaire.

Oui, L’Evénement «prend aux tripes», et en cela il mobilise des ressorts comparables à ce que le réalisateur de l’ode aux forces de police violentes et qui se veulent au-dessus des lois tourné par le compagnon de la réalisatrice : Jimenez a toujours plaidé n’avoir voulu faire qu’un spectacle efficace.

«Prendre aux tripes», on le sait depuis longtemps, c’est le ressort même du fascisme. Prendre aux tripes ce n’est pas seulement mobiliser les émotions, c’est rester dans l’émotion immédiate, bloquer la possibilité de la transformer en réflexion critique.

A la différence de Bac Nord, L’Evénement y échappe en partie – en partie seulement. Il le doit à l’interprétation de son personnage principal et de certains des autres protagonistes, à la multiplicité non univoque des situations évoquées. Il le doit à sa capacité d’ouvrir cet écart tendu entre passé et présent. Ce qui n’empêche pas de toujours interroger aussi les procédés de cinéma mobilisés, même au service des enjeux les plus nécessaires.      

«Au crépuscule», Sharunas Bartas

Le nouveau film de l’auteur de Frost est lui aussi un film historique, comme on le dit de façon souvent approximative: il raconte des événements survenus dans le passé, en l’occurrence en 1948.

Après la fin de la Seconde Guerre mondiale, la Russie soviétique a remis le grappin sur les pays baltes. Des résistants tentent de s’opposer à cette nouvelle occupation en espérant le secours des puissances occidentales qui ne viendra jamais.

Dans la campagne lituanienne, entre une ferme et la forêt avoisinante où survit un petit groupe de partisans, se déploie une multiplicité de relations, pour la plupart très conflictuelles, mais parfois étrangement teintées de douceur, de séduction ou hantée de folies multiples, qui relèvent de mécanismes psychiques, sociaux et idéologiques.

 

Au cœur de ce réseau complexe se trouve Unte, un adolescent adopté par un fermier cossu que pressurent les officiers soviétiques, et qui lui-même exploite et maltraite ses employés, tout en soutenant les «frères de la forêt».

Ces derniers, qui forment une troupe hétéroclite aux motivations diverses, sont loin d’être montrés en héros. Ils s’apparentent davantage à des clochards des bois, un peu soudards, l’un plutôt poète, sans doute; l’autre (ou le même) récent complice des nazis, les précédents occupants.

Du côté de Rembrandt

Mobilisant une fois de plus l’incroyable richesse de son langage visuel, Bartas compose une série de plans tableaux tout en clairs-obscurs –plus obscurs que clairs, à vrai dire– dont la référence la plus évidente serait à chercher du côté de Rembrandt.

Ces choix plastiques sont en phase avec les conditions climatiques brumeuses et sans soleil comme avec l’instabilité du statut des personnages et le refus de porter quelque jugement que ce soit.

Bartas évoque un monde où ne brille aucune autre lumière que celle des bougies vacillantes. Un jour rare et grisâtre. Il montre la mesquinerie qui caractérise les raisons d’agir de ses personnages, que perturbe brusquement et sans y apporter rien de bienfaisant, l’embrasement d’incendies, de crimes, de tortures et de trahisons.

L’obscur refuge des «frères de la forêt», partisans engagés dans un combat désespéré. | Shellac

Refusant d’inciter les spectateurs à s’identifier à Unte, témoin trop évanescent et désemparé, le cinéaste maintient une telle instabilité dans la représentation d’une situation à la fois complexe et marquée d’une grande dureté qu’il finit par se retrouver dans une position paradoxale.

En l’absence de toute affirmation en faveur de qui ou quoi que ce soit, Sharunas Bartas se retrouve dans une sorte de surplomb moral, qui renverrait tous les protagonistes à des turpitudes sans fin, quoique sans équivalent avec celles des Russes, qui restent les pires en la matière.

Et, partant, l’humanité toute entière, misanthropie guère plus inconfortable que l’usuel manichéisme qui a décidé d’emblée qui sont les bons et qui les méchants.

Une telle attitude est fréquente chez les meilleurs cinéastes de la région. On pense ici à l’Ukrainien Serguei Loznitsa, et en particulier à son premier long-métrage de fiction, My Joy, ou au Russe Kiril Serebrennikov, dont le prochain film, La Fièvre de Petrov, sortira le 1er décembre.

Nul doute que ces deux cinéastes ont bien des raisons de mettre en scène un monde livré aux forces du chaos et à la destruction, qu’elle soit morale ou matérielle. Loznitsa l’a montré avec Dans la brume, le récit d’une guerre de partisans entre chien et loup, Serrebrenikov avec Leto et Bartas avec Frost ou Indigène d’Eurasie.

Unte (Marius Povilas Elijas Martinenko) témoin à la dérive. | Shellac

Avec des moyens qui sont à l’opposé de ceux mis en œuvre par L’Événement, Au crépuscule reste un impressionnant moment de cinéma qui tend à fasciner, non pas au risque de bloquer la pensée, mais de la laisser errer sans repère.

Impressionnante expérience sensorielle, évocation aussi d’un épisode historique méconnu, discret rappel de l’instabilité d’une région qui aujourd’hui ne se sent nullement à l’abri des menaces de Moscou, le film de Sharunas Bartas reste comme un murmure rauque d’inquiétude et de défiance envers le monde et ceux qui le peuplent. Pas plus, pas moins.

Les critiques cinéma de Jean-Michel Frodon sont à retrouver dans l’émission «Affinités culturelles» de Tewfik Hakem, le samedi de 6h à 7h sur France Culture.

L’Événement

d’Audrey Diwan

avec Anamaria Vartolomei, Kacey Mottet Klein, Sandrine Bonnaire, Pio Marmai, Anna Mouglalis

Séances

Durée: 1h40.

Sortie le 24 novembre 2021

Au crépuscule

de Sharunas Bartas

avec Marius Povilas Elijas Martinenko, Arvydas Dapsys, Alina Zaliukaite-Ramanauskiene

Séances

Durée: 2h08

Sortie le 24 novembre 2021

«L’Œuvre sans auteur», fresque paradoxale

Parcourant trente ans d’histoire de l’Allemagne, le film évoque les rapports entre l’art et la politique, d’une manière qui contredit complètement la thèse qu’il entend défendre.

Treize ans après La Vie des autres, qui l’a révélé et a bénéficié d’un accueil massivement favorable et d’un Oscar, Florian Henckel von Donnersmarck présente une fresque qui se veut à la fois historique et didactique.

Historique en ce qu’elle couvre trente ans de l’histoire allemande, débutant au milieu des années 1930 alors que Hitler règne sans partage et se terminant en Allemagne de l’Ouest des années 1960, après la construction du mur, mais après un passage important par la RDA de l’après-guerre.

Didactique en ce que le film se veut surtout exposé sur la nature de l’art et sa place dans la société. Son personnage principal, Kurt, a été un petit garçon visitant l’exposition sur «l’art dégénéré» à Dresde en 1937. Il deviendra jeune peintre d’icônes communistes dans les années 1950 puis artiste contemporain de premier plan à l’Ouest, selon une trajectoire plus ou moins inspirée de la vie de Gerhard Richter.

Ellie (Paula Beer) et Karl (Tom Schilling) réussisent à passer à l’Ouest juste avant la construction du mur de Berlin.

Le parcours du héros artiste est dramatisé par une histoire d’amour entre lui et une jeune femme, Ellie. Cette dernière est, sans le savoir, la fille de celui qui, médecin SS, a assassiné la tante bien-aimée de Kurt, celle qui l’avait initié aux beautés de l’art moderne.

Ce très méchant personnage, respecté directeur de clinique sous le Reich et responsable du meurtre de masse des malades mentaux ou réputés tels par le régime hitlérien, a ensuite prospéré sous le socialisme réel version est-allemande puis dans le monde capitaliste. Il fera subir moult tourments à sa fille et à l’amoureux de celle-ci.

Herr Professor Seeband (Sebastian Koch) impose à son futur genre de peindre son portrait en majesté.

Ébats amoureux complaisamment filmés, reconstitution d’époque d’une propreté d’antiquaire chic, personnages taillés dans le marbre d’une psychologie sommaire, rebondissements mélodramatiques occupent sans cesse le devant d’un récit qui expédie en deux clichés des situations historiques essentielles, et esquive ses quelques enjeux plus singuliers, comme l’aveuglement volontaire de la fille du Herr Professor.

Éloge de la figure de l’artiste contemporain sincère et inspiré

Si on peut ici parler de fresque, c’est du fait de la durée du film (3h10) et de l’ampleur des thèmes qu’il aborde. Mais aussi, de manière plus ironique, par la similitude entre le cinéma selon Henckel von Donnersmarck et les fresques édifiantes telle celle que Kurt doit composer pour célébrer l’unité de la classe ouvrière selon les canons esthétiques du réalisme socialiste.

Le discours qu’entend tenir Florian Henckel von Donnersmarck est évidemment hostile à cette utilisation de l’art, il pointe la continuité entre la répression de l’expression créative par les nazis et par les staliniens, pour faire l’éloge de la figure indépendante de l’artiste contemporain dont Kurt est l’incarnation –incarnation rare: la plupart de ses confrères de l’Académie des beaux-arts de Düsseldorf qu’il a rejointe sont présentés comme des usurpateurs ou des ratés.

Le sulfureux professeur (Oliver Masucci) inspiré de Beuys.

«Un peuple et son roi», une révolution ancienne au présent

La marche des femmes de Paris sur Versailles

Davantage collection de vignettes que fresque, l’évocation de la Révolution française par Pierre Schoeller réussit à faire l’éloge du soulèvement populaire tout en laissant ouvert le rapport à l’événement.

Il débarque sur un étrange terrain. Un terrain à la fois dépeuplé et encombré. Faire un film à propos de la Révolution française est inévitablement se confronter à la fois à un événement, et à la manière dont il a déjà été pris en charge par d’autres, en particulier au cinéma.

La Révolution française est l’événement historique le plus décisif de l’histoire de France. Pourtant, elle a été étrangement peu et mal traitée par le cinéma, et en particulier le cinéma français.

La majorité des films auxquels elle sert de cadre expriment un point de vue négatif à son endroit, y compris des chefs-d’œuvre, des Deux Orphelines de G.W. Griffith (1921) à L’Anglaise et le Duc d’Éric Rohmer (2001). Pour le reste, hormis La Marseillaise de Jean Renoir (1938), on a le choix entre reconstitution ampoulée (Enrico et Heffron) et dénonciation de la Terreur comme dimension essentielle des événements des années 1789 et suivantes –voire les deux à la fois (De Broca, hélas).

La littérature, encore récemment avec l’excellent 14 juillet d’Éric Vuillard, judicieux Prix Goncourt 2017, a fait beaucoup mieux. Et sans doute plus encore le théâtre.

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1789, mise en scène d’Ariane Mnouchkine avec le Théâtre du Soleil

Sans remonter jusqu’à La Mort de Danton de Büchner, bien supérieure au Danton de Wajda, les historiques (à tous les sens du mots) 1789 et 1793 d’Ariane Mnouchkine, et sans doute la plus importante mise en scène française de ces dix dernières années, Ça ira (1) Fin de Louis de Joël Pommerat, témoignent d’affinités riches de sens entre la Révolution et la scène.

Lorsqu’ils n’utilisent pas les années de la Révolution comme simple toile de fond, genre Les Mariés de l’an II, les films qui s’y réfèrent s’organisent autour de l’affirmation d’une opinion à propos de la Révolution de 1789. Ce n’est heureusement pas tout à fait le cas du nouveau film du réalisateur de L’Exercice de l’État, Pierre Schoeller.

Déstabilisante et féconde

D’où l’étrange sensation qui émane d’Un peuple et son roi. Déstabilisante dans sa manière à la fois très peu affirmative et volontairement morcelée d’évoquer cette époque fondatrice, son approche se révèle féconde, au moins par les questions qu’elle soulève.

Le film est composé de «tableaux». Certains évoquent des grands événements, des États généraux à l’exécution de Louis XVI, et d’autres des situations quotidiennes, où on suit plusieurs personnages de fiction. Parmi ceux-ci figure un nombre important de femmes, ce qui répond d’une réalité historique souvent occultée, ou caricaturée sous la seule figure des tricoteuses.

Au passage, le film réussit plusieurs prouesses. Il évite les écueils symétriques de la reconstitution fière de ses accessoires et de son budget, et d’un minimalisme qui, ici, desservirait son propos: relier une évocation factuellement précise et dramatiquement variée, et les imageries qu’on en a. (…)

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