Ada (Mama Sané) face à l’océan, où est parti son amant.
Le premier film de Mati Diop invente une fantasmagorie qui, entre histoire d’amour fou, spectres et enquête policière, prend à bras-le-corps les violences et les injustices d’un continent.
Ovationné à Cannes, où il a reçu le Grand prix du jury, Atlantique est le premier long-métrage de la jeune Franco-Sénégalaise Mati Diop, déjà remarquée en 2004 pour l’admirable moyen-métrage Mille Soleils.
Si elle repart, littéralement, de la situation de départ du chef-d’œuvre signé par son oncle Djibril Diop Mambety, répétant la grande scène de déclaration d’amour au bord de l’eau du début de Touki-bouki, c’est pour raconter une histoire d’aujourd’hui.
Une histoire qu’elle aborde déjà dans son premier court, Atlantiques, sur un mode minimaliste (un récit auprès d’un feu sur la plage), et qu’elle transforme cette fois en épopée sorcière.
Une histoire au temps de grands chantiers faisant surgir des tours arrogantes et inutiles dans les métropoles d’Afrique, monuments de corruption et de prétention construits par des ouvriers surexploités et méprisés.
Une histoire au temps des esquifs qui s’élancent sur l’océan, chargés de femmes et d’hommes en quête d’une vie meilleure, d’une vie vivable, et qui trop souvent sont dévorés par les vagues.
Cette histoire, sentimentale et réaliste, violente et tendre, Mati Diop la filme avec une attention sensuelle aux visages et aux corps des jeunes gens qui en sont les principaux protagonistes.
Il y a d’abord le visage et le corps de son héroïne, Ada, en lutte pour la vérité de ses sentiments, en lutte contre les carcans et les mensonges de la modernité comme de la tradition, mais aussi les visages et les corps de ses amies, les jeunes filles du quartier de Dakar.
Ada a reçu un message, blague sinistre, piège ou signe de l’au-delà?
Aussi paradoxal que cela puisse paraître, c’est cette présence charnelle qui ouvre l’espace à la dimension surnaturelle du film, avec le retour des victimes des injustices, venant hanter les vivant·es et réclamer justice. (…)